29 juin 2010

Adoption éthiopienne: pour le commerce ou la charité?

Traduit de l'article Ethiopia: U.S. Families Adoption of Children, for Trade or Charity? paru sur le site Daily Indenpendent, le 3 juillet 2010.

«L'adoption est en en train de devenir la nouvelle industrie d'exportation pour notre pays. Les experts avec qui j'ai parlé sont d'avis que ça pourrait dépasser le café en tant qu'industrie d'exportation majeure...»

Tels étaient les mots d'Ellene Moria, qui dirige un programme de femmes dans une station de radio locale en Éthiopie. Ils étaient chargés d'émotion acrimonieuse que de nombreux historiens et commentateurs sociaux n'ont jamais saisi avec le commerce historique d'êtres humains pendant les traites négrières. Par conséquent, comment peut-on imaginer l'idée derrière certaines des annonces affichées par les diverses agences d'adoption en Éthiopie sur leurs sites web? Sans vouloir le dire, cela rappelle les souvenirs des traites négrières. Prenez par exemple l'une des annonces que j'ai vues sur un des sites qui se lisait ainsi:

«Agernesh, une jeune fille pleine d'entrain, mince et le sourire facile, a passé ses huit premières années dans un petit village rural au sud de l'Éthiopie... Il y a des groupes de fratries, aussi bien que des enfants uniques. La majorité des jeunes ont entre cinq et sept ans. Tous sont fondamentalement en santé, physiquement et émotionnellement... Ils apprennent à se tenir à table à la façon des occidentaux et la façon de manger avec un couteau et une fourchette... Les enfants ont des tâches ménagères et apprennent que dans les familles américaines, ils seront appelés à aider à la cuisine, avec le nettoyage et le lavage.»

Cependant la manière dont les enfants sont adoptés en Éthiopie va au-delà du commerce ou du trafic des êtres humains. Tout dépend à quelle distance vous tenez le miroir de la société. Vous pouvez soit regarder les implications socio-économiques, psychologiques et politiques de cela des individus et du gouvernement ou tout simplement vous accrocher à la question du commerce.

Il est très rare de voir une mère dans la société africaine renoncer à son enfant pour l'adoption, même face à la famine. On ne peut pas en dire autant de l'Éthiopie aujourd'hui. Ce n'est pas encore clair si les mères des enfants donnés en adoption se font jamais payer, étant donnée la façon dont le gouvernement éthiopien et ses diverses agences d'adoption gèrent l'affaire, et le fait que certains groupes de protection de l'enfance du pays affirment que, sur une population d'environ 70 millions de personnes, il y a plus de cinq millions d'orphelins qui ont perdu leurs parents à cause de la famine, de la guerre et le VIH/SIDA.

En cohérence avec cela, un rapport récent de l'UNICEF déclare que plus de 4,5 millions d'enfants éthiopiens sont orphelins à cause de la pauvreté et de la maladie. Cela signifie que plus d'un enfant sur 10 sont orphelins. En outre, le taux de mortalité maternelle pour les femmes enceintes est très élevé, une femme sur 14 mourra en couches.

Plus encore, il y a des cas de femmes qui renoncent à leurs enfants pour l'adoption à cause de leur incapacité de pouvoir à leurs besoins face aux difficultés économiques alarmantes dans le pays. Nécessitant ainsi la création de programmes d'adoption par le gouvernement en collaboration avec les différentes maisons d'enfants sans mère dans le pays, puisque le gouvernement seul ne peut pas pourvoir aux orphelins. Dans un pays qui a un budget de santé annuel de 140 millions de dollars américains; un petit montant par rapport à un montant stupéfiant estimé à 115 millions de dollars américains pour l'entretien des orphelins dans un mois.

Peut-être, comme une mesure palliative pour amortir l'effet socio-économique de ce malaise dans le pays, le gouvernement a simplifié le processus pour rendre l'adoption des enfants éthiopiens par les familles de l'Ouest plus facile. Résultant ainsi en une forte augmentation du nombre d'adoptions étrangères enregistrées en 2003. Les 1 400 enfants pris pour l'adoption par les familles des États-Unis a doublé le chiffre de 2002.

Avec certaines familles des États-Unis prêtes à payer plus de 25 000 dollars américains pour adopter un enfant éthiopien, le commerce d'enfants est certainement plus lucratif que la culture du café. L'argent provenant de ce commerce ne sort presque jamais des coffres à la fois du gouvernement et des différentes agences d'adoption/maisons pour enfants sans mère, puisque qu'on dit que la plupart des enfants sont des orphelins. On pourrait dire que ces intrigues de business expliquent les larmes dans la voix d'Ellene Moria quand elle a prononcé ces mots cités ci-dessus

Il ne fait aucun doute que la famine et le désir d'essayer de vivoter et la subsistance des activités du gouvernement en Éthiopie ont mis en danger la vie de la plupart des enfants éthiopiens. Cela a également conduit à la traumatisation des femmes et des mères qui sont le plus souvent aussi jeunes que les bébés qu'elles font.

Une récente émission d'Oprah Winfrey qui se portait sur le sort des femmes éthiopiennes a saisi les situations difficiles des jeunes filles, ou devrais-je plutôt dire des enfants de 9 à 14 ans, soumises à des grossesses précoces. L'émission a révélé certaines de ses répercussions sur la santé de ces jeunes mères ou mieux des mères encore enfants. Beaucoup d'entre elles avaient contracté la FVV.

Dans un pays où un cent dollars pourrait faire ou acheter autant pour l'individu et la famille, combien de familles pauvres ne renonceraient pas à leurs enfants pour l'adoption dans l'espoir d'obtenir 25 000 dollars américains que les agences d'adoptions aux étrangers offrent pour certains de ces bébés?

Et quand cela arrive, ces filles-mères ne sont pas seulement ostracisées et mises à part dans les chaînes parfois, dans les chambres mais sont parfois jetées dans la forêt à la merci des hyènes ,afin d'éviter l'odeur terrible qui suinte d'elles. Plus encore, on dit que non seulement certaines de ces filles-mères finissent avec des bébés morts-nés, mais aussi avec les hanches disloquées. À la suite de la période d'accouchement souvent prolongée, qui s'étire parfois de 9 à 12 jours, selon l'émission.

Avec ces images et histoires horribles, je me suis demandé ce que le gouvernement éthiopien et ses diverses agences d'adoption font à ce sujet. Se pourrait-il qu'ils ne soient pas conscients du grand nombre de cas de grossesses chez les adolescentes et les décès enregistrés chaque jour? Pourquoi un gouvernement ou un parent devraient-ils regarder alors que leurs enfants sont transformées en mères à l'âge tendre de neuf ans? Est-ce que cela explique le chiffre colossal de plus de cinq millions d'orphelins en Éthiopie? Tout comme le labourage de la terre par tous les moyens mécaniques disponibles pour une récolte abondante de café pour le commerce extérieur, les jeunes filles ou, mieux encore les enfants, semblent avoir été soumises à l'épreuve de produire plus de bébés pour les agences qui choisissent d'ignorer ces activités inhumaines envers les enfants éthiopiens à cause de la nature lucrative de l'adoption de bébés par des familles américaines qui patronnent le marché de l'adoption.

Est-il même plausible de dire que les énormes revenus de l'adoption pourraient être responsables de la situation critique des femmes et des enfants en Éthiopie? Dans un pays où un cent dollars pourrait faire ou acheter autant pour l'individu et la famille, combien de familles pauvres ne renonceraient pas à leurs enfants pour l'adoption dans l'espoir d'obtenir 25 000 dollars américains que les agences d'adoptions aux étrangers offrent pour certains de ces bébés? Est-ce que ces maisons pour enfants sans mère/agences d'adoption raniment ces jeunes filles infestées par la FVV, dans l'apparence de l'amour et de la charité, pour une exploitation ultérieure? Il se passe tellement de choses là-bas avec peu ou pas de réponses.

Aussi méprisable que cette transaction puisse être, et dans mon effort d'être aussi objectif que je peux l'être dans ma colère et mes larmes, regardez l'autre côté de l'affaire avant de critiquer des individus ou des agences gouvernementales impliquées dans l'affaire. Comment pouvez-vous décrire une question si nébuleuse dans l'esprit des personnes qui l'ont introduit en premier lieu? Quoique les auteurs de ce commerce ne soient pas anonymes, les critiques contre eux sont difficiles à trouver. Pourrait-il y avoir une certaine forme de justification pour leur action, compte tenu du fait que ces enfants n'auraient pas eu à anticiper une bonne vie en Éthiopie comparée à ce qui les attend aux États-Unis?

À part de cela, comment le gouvernement peut-il pourvoir à un si grand nombre d'enfants avec le peu de ressources à sa disposition? Comment les jeunes mères peuvent-elles faire face à la tentation donner leurs enfants face à la misère indicible du pays?

Que peut-on dire à propos de cette situation fascinante d'une rencontre entre Fari, une dame éthiopienne et un touriste, saisie à la page 20 de l'édition du 8 au 14 avril 2006 du journal, Weekly Trust Newspaper? Fari dit que son mari est décédé il y a deux ans, laissant sa petite famille vivoter dans la rue. Elle s'est en outre lamenté lugubrement: «Mon enfant a besoin de quelque chose de mieux dans la vie. Quelque chose que je ne peux pas lui donner», quand elle a remarqué la joie et la gratitude dans les yeux de son fils quand il a reçu un jouet en plastique rouge qu'un touriste lui a donné. Les lamentations de Fari ne devraient pas être considérées comme un échec d'une mère. Peut-être, une mère prise au piège et fauchée dans une situation difficile qui causée par de nombreuses guerres civiles éthiopiennes et la mauvaise gestion au fil du temps.

Une autre question délicate est de savoir comment situer l'action de certaines familles américaines qui patronnent cette entreprise. Surtout quand certains d'entre eux affirment l'avoir fait par sympathie et charité pour les enfants sans défense et sans espoir, dont ils ont appris leurs situations désespérées par les annonces qui les projettent comme des enfants étant dans un besoin urgent de soins parentaux?

Ugboaja, l'auteur de cet article, est un conseiller aux admissions de l'American University du Nigeria - AUN, Yola.

23 juin 2010

Jagadamba, Mother of the Universe by Amber Field



Amber's first short film "Jagadamba, Mother of the Universe" (2008, 10 min) is playing at film festivals around the world. It is a tender, inspiring story about her experiences as a queer transracial (Korean) adoptee who grew up in Korea, Nepal, Liberia, and the US. The film explores adoption, race, sexuality, and Amber's healing journey through music.

21 juin 2010

Une Collection d'Un

Durant le mois précédent, l'équipe de TRACK a travaillé super fort pour illustrer la relation entre le nombre 1 et 200 000 par une installation d'art gigantesque à l'Assemblée Nationale en Corée.



Si vous ne le saviez pas déjà, 200 000 est l'impressionnant nombre estimé d'enfants coréens envoyés en adoption dans des pays étrangers.





Discours donné par Suki, aka Girl #4708, à la réception de l'Assemblée Nationale, le 15 juin 2010.




Il y a plus de trois ans, j'ai quitté un emploi à temps plein pour un emploi à temps partiel, pour avoir le temps de poursuivre la création artistique. Cependant, je n'ai pas réussi. J'étais confuse: je n'arrivais pas à m'exprimer et je n'avais rien à dire. Mais à cause d'une crise personnelle, au lieu de créer de l'art, j'ai fini par utiliser tout ce temps pour penser sur la façon dont j'en étais arrivée là où je me trouvais dans ma vie. J'ai commencé pour la première fois à réfléchir sur l'adoption internationale et son impact qu'elle a eu sur moi et sur d'autres personnes comme moi.



Maintenant que je suis en Corée, je me trouve à avoir trop de choses à dire. Cette pièce fait partie de cela.



Dernièrement, j'ai beaucoup réfléchi sur les chiffres et nombres. Eh bien, je crois en fait que j'ai pensé aux nombres toute ma vie. Surtout à un chiffre qui, je pense, est très fréquent chez les adoptés, puisqu'ils doivent par défaut endurer seuls leurs pertes quand ils sont envoyés à l'étranger (où personne dans leurs familles ne comprend ce que c'est d'être différent, ou d'être déconnectés de ceux qui leur ressemblent, ou d'expliquer leur existence, ou de tenter de concilier pourquoi ils ont été abandonnés). Un est le nombre que nous, les adoptés, connaissons trop bien.



Quand je lis des statistiques sur le nombre d'orphelins sociaux (enfants ayant des parents vivants, mais a appelés orphelins) créés chaque année, je suis tellement triste. Quand on me dit d'être heureuse parce que les chiffres sont en baisse, ça ne me remonte pas le moral parce que chaque orphelins social créé signifie un enfant de plus qui doit apprendre le sens de profond de un. Être exilé de votre mère, de votre mère-patrie, et de votre langue maternelle, est une solitude que je ne voudrais pas à mon pire ennemi.



De nos jours, en moyenne, environ 3 enfants par jour sont envoyés de la Corée pour l'adoption. Au cours de l'année de pointe des adoptions internationales, 1985, la moyenne était de 10. Ce sont tous les deux de petits nombres, mais ils s'additionnent. Dans le cas de la Corée, ils s'élèvent à près de 200 000. Pour moi, 3 enfants par jour est une vie + une autre vie + une autre vie. 3 est un très grand nombre pour moi.



Ici, en Corée, je regarde et j'écoute et j'essaie d'aimer ce lieu. J'essaie de comprendre pourquoi mon pays m'a jetée, et je pense que je peux et je pense que je pardonne. Mais je ne comprends pas pourquoi il y a encore 3 enfants qui quittent tous les jours. Dans un pays riche sans guerre et sans famine, il semble qu'il n'y ait aucune raison valable de créer des orphelins à partir des enfants dont les parents sont vivants. Et comme j'entends les excuses pourquoi 3 enfants continuent d'être jetés tous les jours, je pense parfois que je suis contente d'avoir été envoyée en Amérique. Parce qu'en Amérique, j'ai pu être une mère monoparentale et aller à l'université et à avoir une carrière, parce que mon gouvernement aide à prendre soin de ses citoyens, et je sais que j'aurais lutté deux fois plus et que j'aurais cruellement été jugée ici en Corée. Dieu merci, mes enfants, l'amour de ma vie, ma raison d'être, ne sont pas nés en Corée, où quelqu'un aurait pu me forcer à les renvoyer pour l'adoption.



Préserver l'honneur de la famille en éliminant une personne innocente n'est pas un acte honorable. Cacher des sombres secrets n'est pas un acte honorable. Créer une industrie sur la disparition des enfants n'est pas un acte honorable. Préserver une famille en détruisant une autre n'est pas un acte honorable. Non, c'est le contraire de l'honneur ou des valeurs familiales. C'est de l'hypocrisie.



Pénaliser les femmes pour des imprudences ou des circonstances malheureuses fait non seulement mal aux femmes et leurs enfants, mais aussi à la Corée, dans les nombres potentiels de citoyens et le traumatisme émotionnel à la société dans son ensemble. Ces femmes ne sont pas une honte de la Corée: la négligence de la Corée de ces gens est la vraie honte, et l'expulsion de leurs enfants fait ressembler la Corée comme un cas de bienfaisance du tiers monde. Ces femmes qui veulent faire face à leurs erreurs et assument leurs responsabilités montrent une vraie force de caractère et de maturité qui fait défaut dans les revendications de nombreux Coréens, généralement leurs critiques les plus sévères. (Nous avons un mot pour les gens qui tentent de se cacher dans la honte: lâches. Les lâches sont menacés par ceux qui sont intègres). Toute femme qui choisit de prévaloir dans ce climat rigoureux pour pouvoir élever et soutenir la chair et le sang qu'elle a mis au monde est brave et mérite tout notre soutien.



Ainsi, au lieu de pénaliser ces femmes, nous devons les aider. Il s'agit d'un investissement dans une Corée plus fort, puisque chaque enfant perdu en l'absence de services sociaux équivaut à une perte de potentiel humain. (Enfin, pas pour les autres pays qui les reçoivent, mais certainement une perte de potentiel humain pour la Corée). Et le type de potentiel qui provient de débuts difficiles forge le caractère le plus fort, qui est en voie de disparition en ces temps doux. C'est une perte énorme pour la Corée si ce pays a l'intention de persévérer dans l'avenir.



En tant que d'origine ethnique coréenne, je ne veux rien de plus que d'être fière d'être coréenne, mais je ne peux pas, parce que dans le reste du monde, la Corée est encore connue comme le meilleur endroit pour obtenir des bébés non désirés, en tant que race méchante qui ostracise et opprime les femmes, et comme des barbares qui mangent leurs propres animaux de compagnie. Je crois que les Coréens veulent être fiers de la Corée aussi, et nous devons donc trouver de véritables solutions qui renforcent la société au lieu de perpétuer des pratiques qui provoquent la douleur et diminue la littéralement la société.



L'adoption a été la solution la plus facile pour le gouvernement depuis plus 50 ans, mais elle ne résout pas les problèmes sociaux et, je dirais que couper les enfants de leurs mères, c'est mutiler le peuple coréen et la société coréenne, car ça oblige tous les Coréens à vivre avec la tache d'être le genre de personnes qui jettent leurs propres enfants. L'adoption a été la solution de choix parce qu'il est plus facile de renoncer à un numéro avec une signature que de reconnaître que chaque numéro est un être humain qui mérite une chance de vivre sa vie comme Dieu et la nature ont prévu.



Ma prière est que la Corée arrive à valoriser toutes les vies et toutes les familles, tant parfaites et qu'imparfaites, de sorte qu'on n'impose plus les certificats de voyage aller-simple de la Corée aux petites personnes.



Que cette session du Congrès montre au monde que les Coréens ne sont pas des barbares, mais des gens éclairés, créant une société civilisée qui prend soin de ses propres citoyens.


Fille #4708







Avec seulement une organisation de 24 heurs sur 24 heures d'un mois, les adoptés en visite ou vivant en Corée se sont unis en tant que communauté pour faire de cette idée une réalité, avec l'aide de des Coréens et des mères célibataires.




Au cours de deux semaines, 90 000 étiquettes de prix ont été estampillés avec un numéro individuel représentant un adopté.






Plus de 75 photos ont été envoyées envoyés de tous les coins du monde





Au cours de l'installation de six jours, environ 60 000 étiquettes ont été suspendues.







Nous sommes arrivés bien en deçà des 200 000, mais nous savions tout au long que ça serait impossible.



Pour un compte rendu de leur travail, voir le site de TRACK, le blog de Jane et les blog de Suki, Hello Korea et Holt Adoption Baby. (Vous trouverez sur le blog de Suki, Hello Korea, les noms de ceux qui ont pris les photos.)



Voir aussi le blog de Miwha qui a publié un reportage sur l'installation d'art avec d'autres photos.



4 juin 2010

Quand on a fermé les "baby shops" en Roumanie

Traduit de l'article, Cuando cerraron los “baby shops” de Rumania, publié sur le site periodismohumano, le 31 mai 2010.

Quand on a fermé les «baby shops» en Roumanie


«Il y a eu des moments où nous avons tenu compte plus des intérêts des parents que de ceux des enfants»

«La Fondation Irene, la sociétaire roumaine de l'Agence espagnole ADECOP, était la meilleure dans le maniement de la corruption»

«Si les États-Unis avaient réussi à obtenir des exceptions sur l'interdiction des adoptions internationales en Roumanie, nous aurions voulu un traitement égalitaire.»

«Monsieur le délégué, je tiens à souligner et à préciser, même si je sais que pas tout le monde aime entendre ceci, qu'entre la protection d'un enfant roumain et le désir des parents originaires des pays où l'adoption est devenue une mode, nous opterons toujours pour le premier», répondait l'Allemand Günter Verheugen, alors commissaire à l'Élargissement, à la question posée le 12 mars 2002, par l'eurodéputé espagnol José Maria Gil Robles lors d'une réunion de l'organisme de contrôle communautaire.

Dans une interview accordée à la télévision publique allemande, Verheugen décrira plus tard cette époque comme étant l'une des plus difficiles de sa carrière politique. Étant donné les graves allégations de pratiques illégales et de trafic d'enfants, la Commission avait obligé la Roumanie à suspendre les adoptions internationales si elle voulait faire partie du groupe des États d'Europe de l'Est qui allaient se joindre à l'UE dans les années suivantes. 1200 familles espagnoles attendaient pour pouvoir adopter un enfant roumain quand Bucarest a interdit l'envoi d'enfants à l'étranger: 1.200 familles qui avaient déjà déboursé d'importantes sommes d'argent pour que des agences comme ADECOPA entament les démarches et qui, bientôt, étaient frustrées.

Le commissaire à l'Élargissement n'a jamais nommé ouvertement l'Espagne en parlant des pays où l'adoption s'était transformée en une mode, mais c'était le cas en question. En une décennie, l'Espagne a passé d'un état dans lequel cette pratique était à peine pertinente pour devenir le quatrième bénéficiaire des enfants adoptés dans le monde, derrière les États-Unis, la France et l'Italie, un poste qu'elle occupe encore aujourd'hui.

«Je dois reconnaître que, pas dans tous les cas, mais il y avait une mode d'une certaine façon . Nous, les Espagnols, sommes ainsi: lorsque nous nous intéressons à quelque chose, personne ne peut nous arrêter», explique aujourd'hui Javier Alvarez Osorio , coordinateur général de CORA, une association représentant une bonne partie des parents adoptifs espagnols. En octobre 2001, seulement trois mois après l'arrêt des adoptions de la Roumanie, CORA a envoyé une lettre au Premier ministre espagnol à l'époque, Jose Maria Aznar, à plusieurs ministres et au député européen, José María Gil Robles, lui demandant d'intervenir en faveur des familles qui avaient «offert d'adopter un enfant» de la Roumanie.

«À cette époque, notre organisation avait un an. Depuis lors, nous avons beaucoup évolué, nous avons changé dans beaucoup de choses. Il y a eu des moments où nous avons tenu compte plus des intérêts des parents que ceux des enfants. Maintenant, nous essayons que le bien-être de l'enfant passe en premier», raconte Álvarez, «et bien sûr, si aujourd'hui la Commission nous présentait des rapports dénonçant des irrégularités dans un pays, nous serions en faveur de la suspension des adoptions, de la même façon que nous avons demandé d'arrêter l'arrivée des enfants de l'Éthiopie parce qu'il s'agit clairement d'adoptions alimentées par la pauvreté. En Éthiopie, les enfants ne sont pas donnés en adoption parce que leurs parents ou leur parenté ne veulent pas d'eux, mais parce qu'ils n'ont pas les moyens de les garder, et cela ne peut être accepté.»

Les adoptions internationales ont commencé à la fin des années 60 comme un moyen de sortie pour les milliers d'orphelins qui avaient été générés par de longs conflits dévastateurs comme la Guerre du Vietnam. Aujourd'hui c'est, il n'es pas rare, une affaire rentable dont quelques agences bénéficient. Les couples, poussés par le désir d'être parents, sont souvent prêts à faire tous les efforts financiers nécessaires et parfois à ignorer les principes moraux les plus élémentaires : la seule façon qui expliquerait les catalogues avec des enfants roumains « à choisir» (comme Verheugen a dit avoir vu de ses propres yeux) ou les orphelinats en Roumanie qui offraient aux visiteurs étrangers la possibilité de choisir entre leurs enfants (comme le décrit Javier Sampedro dans un article publié par El País en 1996), sans lever de soupçons généralisés.

Si vous voulez faire une bonne action pour les enfants pauvres, les ONG le soulignent, les 10 000 à 30 000 euros que peut coûter une adoption internationale seraient mieux investis dans des programmes qui permettent à ces enfants de grandir dans leurs pays d'origine, en aidant leurs parents biologiques à les nourrir ou leur donnant accès à l'éducation: des programmes qui bénéficient à plus qu'un petit sans rompre leurs liens. «Nous disons à ceux qui nous consultent, «il y a des enfants dans le tiers monde qui ont besoin de beaucoup de choses, mais ce dont précisément ils n'ont pas besoinm c' est une famille», dit M. Alvarez.

Cependant, ce n'est pas tout le monde qui changé de perspectives comme CORA l'a fait. L'agence ADECOP qualifie actuellement l'Éthiopie de pays qui offre de bonnes garanties pour l'adoption, et José Marie Gil Robles considère toujours que ses demandes réitérées pour que la Roumanie accepte de livrer des enfants aux couples espagnoles sont correctes, même si cela risque de fournir une couverture aux enlèvements et achats d'enfants et aux mensonges faits aux parents biologiques.

«Les parents ne voulaient pas de ces petits», dit Gil Robles, la suspension des adoptions était simplement un motif politique: le président roumain a même dit à plusieurs reprises qu'il ne voulait pas que des enfants partent à l'étranger parce qu'il avait besoin d'eux pour sortir son pays de la pauvreté, un argument utilisé aujourd'hui aussi par des organisations comme Save the Children: Les enfants sont l'avenir et il y a des États qui, entre les adoptions et le sida, sont sans lendemain.

Dans la séance de contrôle de la Commission du 12 mars 2002, Gil Robles a demandé à Günter Verheugen ce que faisait l'organisme européen pour résoudre le cas des adoptions roumaines et pour «les familles communautaires» qui avaient déjà «déboursé des sommes élevées d'argent». La pression politique avait pris effet aux États-Unis qui, s'associant aux demandes des parents adoptifs dans les négociations pour l'entrée de la Roumanie à l'OTAN, avaient obtenu que des exceptions soient faites au moratoire, «et nous voulions à ce sujet un traitement égalitaire», se souvient Gil Robles.

«Ce ne sont pas des adoptions; il s'agit clairement de trafic illégal d'enfants», assurait Antonio Ortiz, ambassadeur de l'Espagne à Bucarest, quand Javier Sampedro a écrit son article. La correspondante spéciale de la BBC désignait les orphelinats roumains de «baby shops», dans un reportage que la chaîne britannique a en partie enregistré avec une caméra cachée.

«Prouvez-moi qu'une seule des adoptions que nous avons traité en Roumanie a été illégale", dit un membre du ADECOPA, qui raccroche (le téléphone) sans laisser la possibilité de lui demander son nom. Roelie Post, directrice de l'ONG Against Child Trafficking, rit: «Bien sûr que les adoptions paraissent légales: il suffisait de payer le juge la commission correspondante pour obtenir le sceau nécessaire. Et la Fondation Irene, la sociétaire roumaine de l'ADECOPA, était la meilleure dans le maniement de la corruption.»

Ileana Bustea, la grande dame derrière la Fondation Irene, est tombée tôt dans le point de mire des autorités communautaires qui l'accusaient de toute une série de délits: des pots-de-vin, des intimidations, achat et vente d'enfants. Mais son organisation avait été légalement créée en suivant les principes établis dans la Convention de La Haye de 1993 pour la protection des enfants dans les adoptions internationales, la Roumanie étant l'un des premiers pays signataires.

«Les enfants sont ici. Amusez-vous», raconte Post Roelie, dans son livre Romania. For export only, c'est ce que son prédécesseur lui avait dit quand elle avait commencé à travailler pour le commissaire Verheugen. Post travaillait à la Commission européenne depuis 1983, ce qui fait que cette Néerlandaise compte parmi les membres les plus anciens. C'est par accident qu'elle a eu à travailler sur le problème de trafic d'enfants. «Au début, tout le monde était enchanté par mon travail. «Que c'est, Roelie, c'est intéressant», me disaient-ils. Ensuite, la Roumanie a mis fin à l'adoption internationale et à partir de là, mon travail a cessé d'être si excellent pour certains.»

À la fin 2004, Verheugen a changé de l'Élargissement pour la vice-présidence de la Commission, et peu après Post a dû faire face elle-même aux conséquences d'avoir trop creusé dans certaines questions: les intimidations sont arrivées en premier, puis finalement, l'expulsion de l'organisme communautaire. Aujourd'hui, elle continue avec son travail à partir d'une autre instance, «mais la Commission continue de payer mon salaire. Je suis un membre du personnel et, comme je n'ai rien fait de mal, on ne peut pas me renvoyer», explique-t-elle, «le mien est un cas étrange, sûrement unique.»
Extrait des pages d'ouverture de Romania. For export only

De: Roelie

À: Mariela

Date: Samedi, 30 juin 2001, 11:30

Sujet: Matinée forum des enfants

Le petit-déjeuner a été la scène d'une intéressante conversation avec ma fille Anne-Catherine, et deux de ses amis. Les filles disaient que les parents doivent avoir des rapports sexuels pour avoir des enfants (comme tous les enfants, il leur semblait incroyable que les parents puissent faire quelque chose comme ça). Une des filles a dit que les relations sexuelles n'étaient pas toujours nécessaires parce que les parents pouvaient aussi adopter un enfant d'un autre pays.

Je leur ai demandé d'imaginer qu'elles étaient les filles de parents très pauvres dans un pays lointain avec une culture différente et une langue différente, et qu'elles avaient beaucoup de frères et sœurs. Et puis je leur ai demandé de réfléchir à savoir si elles aimeraient être adoptées par des gens riches, des gens aimants, capables de leur donner une bonne vie. J'ai donné aux filles les données de base, en faisant attention de ne pas les influencer.

Leur première réaction a été qu'elles aimeraient beaucoup être adoptées. Mais notre conversation s'est poursuivie, et à la fin, elles ont fini par décider que sans aucun doute, rien n'était aussi important que de rester avec sa propre famille. Elles m'ont demandé si elles ne pourraient pas emmener leurs familles avec elles à la maison des gens riches. Je leur ai expliqué que les pays riches ne veulent pas des gens pauvres des autres pays, mais seulement leurs enfants pour les aimer et prendre soin d'eux.

Elles m'ont demandé pourquoi leurs familles pauvres voudraient les donner en adoption. Je leur ai expliqué que parfois les parents/mères croient que c'est le mieux pour ses enfants et qu'il y avait aussi beaucoup d'argent impliqué (dont les parents ne profitaient pas nécessairement). Elles m'ont demandé si leur opinion serait tenue en compte, je leur ai répondu: «pas si vous avez moins de 10 ans». Étant âgées de neuf ans, cela les a indignées.

Elles m'ont dit que les riches devraient donner de l'argent aux familles pauvres pour qu'elles puissent prendre soin de leurs enfants.

C'était donc la conclusion du mini-forum d'enfants hollandais, qui s'est tenu au sommet du petit-déjeuner, le samedi.

Roelie