Mensonges et colère
J'avais 11 ans lorsque j'ai découvert les mensonges sur les papiers de l'adoption, j'ai d'abord ressenti de la colère et de la peine, puis de la haine. Pour moi, être rejetée par une nation entière était pire que d'être rejetée par ma famille-B. À la honte que j'avais d'avoir des yeux bridés s'est aussi ajoutée la honte d'avoir été rejetée par les gens de mon propre pays. Aux cours des annnées suivantes, je n'ai plus ressenti de colère mais la honte et la peine refaisaient parfois surface mais ces sentiments ne restaient pas longtemps. J'ai même fini par ne plus ressentir ces sentiments et en 1988, en regardant les jeux olympiques de Séoul, j'ai ressenti de l'amour et de la fierté (exactement comme avant de découvrir les mensonges) pour ce pays que je considérais toujours comme le mien. Je me demandais quelle partie je prendrais si un Coréen et un Canadien entraient en compétition.
1er réveil de la colère.
En 1989, mes parents-A et moi avons fait un voyage en Corée, le Motherland tour, organisé par l'agence Holt. C'était un voyage extrêmement pénible car deux ans plus tôt avait eu le dévoilement d'un lourd secret (ma mère-A avait appris que son mari avait abusé de moi). Son alcoolisme avait pris de l'ampleur et même si ce n'était pas moi qui lui avais révélé ce secret, elle m'avait traité de menteuse pendant ces deux années. J'étais la plus âgée des adoptés et toutes les familles semblaient parfaitement heureuses. Pendant que mes parents-A jouaient leur rôle de parfaits parents adoptifs, moi je devais jouer celui de leur parfaite enfant heureuse et chanceuse d'être adoptée. C'était déjà assez pénible de participer à cette hypocrisie mais voilà que j'ai senti ma colère remonter pendant que David Kim (responsable du tour et aussi celui qui avait travaillé avec Harry Holt) parlait des débuts de l'histoire de l'adoption. J'ai refoulé cette colère en essayant de l'ignorer parce que je croyais que j'étais la seule victime de leurs mensonges (ou de leurs erreurs) et que les autres adoptés étaient heureux.
2ième réveil de la colère.
J'avais réussi à refouler ma colère mais voilà qu'ils ont organisé une fête à Holt Ilsan Town avec le président qui faisait un discours. Il était en train de nous dire qu'avant, la Corée n'avait pas d'autres choix que de nous envoyer en adoption car elle était trop pauvre pour pouvoir garder leurs enfants. Je l'accorde, j'ai vécu dans l'extrême pauvreté, il y avait des jours où je devais sauter des repas quand j'habitais seule avec mon père-B. Mais, de quel droit m'avait-on arraché à ma famille qui m'aimait et que j'aimais? Je ne ressentais que de la haine et du mépris envers les Coréens qui n'avaient pas trouvé d'autres solutions que de se débarasser de ses enfants trop pauvres. Pendant que les parents adoptifs écoutaient le discours, les autres adoptés étaient partis jouer au ballon et moi, je restais sur place clouée par la peine et la colère. Le président continuait son discours en disant que la Corée était devenue riche et qu'elle pouvait maintenant garder ses enfants et prendre soin d'eux. Entendre dire que la Corée pouvait maintenant prendre soin de leurs enfants était une raison suffisante pour moi d'essayer de leur pardonner, donc j'ai à nouveau refoulé la colère. Le président terminait en disant aux adoptés: "...Souvenez-vous de la Corée, votre pays, dans le futur lorsque vous aurez un emploi important dans le domaine internatioanl..." Quel discours merdique, la Corée rejette ses enfants et après les avoir rejetés, elle leur demande de se souvenir d'elle. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si ça aussi faisait partie de leur plan et je n'avais pas envie de me souvenir de ce pays pour l'aider à l'enrichir.
Mensonges et 3ième réveil de la colère.
Nous étions au bureau de l'agence Holt pour assister au départ des bébés vers les États-Unis. Comme si les enfants exportés faisaient partie d'une parade, Holt avait organisé une journée pour que les adoptés et leurs parents-A puissent assister à cette scène "émouvante". Les parents-A n'arrêtaient pas de dire "touchant" ("it's so touching") pour décrire cette scène de bébés en pleurs avant leur départ. Les autres adoptés ayant été adoptés quand ils étaient des bébés n'avaient aucun souvenir de leur départ et ils n'avaient pas l'air d'être affectés mais moi, en ayant été adoptée à l'âge de 9 ans, je me souvenais exactement du jour où les Coréens m'avaient exportée. L'atmosphère était chargée de la même tension et du même énervement que 14 ans plus tôt; il y avait un garçon d'environ 6 ans qui frappait sur un plus jeune qui ne cessait de pleurer. Ça me rappelait que moi-même j'avais eu envie de frapper sur une fillette plus jeune que moi qui avait pleuré sans arrêt. Je me sentais seule et incomprise: les Coréens et les parents-A ne voyaient que la beauté et le côté touchant de l'adoption et moi, je voyais mon côté triste de l'adoption internationale: la perte de mon pays natal, la perte de ma famille, la perte de ma culture et de mon identité et pour la première fois, j'ai mesuré que la perte était plus grande que le gain de l'adoption. Les parents-A avaient les larmes aux yeux et continuaient à dire que c'était touchant, les autres adoptés faisaient de "gaga, guili, guili" devant les bébés et moi, je me retenais pour ne pas pleurer pour cacher ma douleur et refouler ma colère.
Mensonges et hypocrisie de l'adoption internationale! Quelques jours plus tôt, le président venait de faire un discours où il disait que la Corée était devenue un pays riche qui pouvait maintenant prendre soin de ses enfants et là, il nous faisait assister à l'exportation de ses enfants et il y avait deux fois plus d'enfants que le jour où j'ai été exporté en 1975!
Encore des mensonges et la colère.
Je voulais profiter des quatre jours de liberté pour chercher ma famille-B et rencontrer ma gardienne de l'orphelinat Saint-Paul. Les employés de Holt ne voulaient pas m'aider: l'un d'eux a presque ri quand je lui ai donné une page d'annuaire téléphonique contenant le nom de mon frère. "Ton frère s'appelle Dae-Yeul? C'est drôle, moi aussi je m'appelle Dae-Yeul!" Ils n'ont pas utilisé le mot menteuse mais ils se comportaient comme si j'étais une menteuse, comme si je fabriquais une famille fictive. Ils accédaient aux demandes des parents-A qui voulaient passer une journée dans une école coréenne ou faire d'autres activités mais ils n'ont rien fait pour tenter de combler mon désir d'aller de dormir dans une maison de style coréen avec une famille coréenne et ils ont même refusé de me donner le nom de mon premier orphelinat. Pourtant, ils nous avaient dit: "Vous pouvez écrire tout ce que vous voulez faire pendant les quatre jours et on va s'en occuper." Ni les religieuses de Saint-Paul, ni Holt n'ont daigné me répondre à cette simple question: "Quel est le nom de mon premier orphelinat?"
Je n'ai pas pu chercher ma famille car mes parents-A préféraient chercher une Coréenne que nous avions hébergée en 1987 pendant six mois pour une chirurgie à coeur ouvert. Mon père-A avait clamé tout haut sa générosité en répétant qu'il aimait cette petite fille et qu'il voulait la retrouver pour lui payer les études. Eux, ils ont obtenu tout l'aide nécessaire: un homme qui était impliqué dans l'organisation du parrainage des chirurgies cardiaques a réussi à retrouver la fillette en téléphonant toutes les écoles de la Corée. Si on m'avait donné une seule journée, j'aurais peut-être pu retrouver ma famille. Pour aller chercher la fillette, mes parents-A m'ont empêchée d'aller rencontrer ma gardienne de Saint-Paul. Pour ne pas répondre à ma requête, on m'avait dit que la Corée avait complètement changé mais c'était un mensonge car la fillette habitait dans une seule chambre avec toute sa famille, une maison semblable à celle où je vivais, avec un bécosse en guise de toilettes. Je me suis accrochée à l'idée que certaines parties de la Corée resteraient inchangées jusqu'à ce je retrouve ma famille-B.
Mensonges et 4ième réveil de la colère.
Dès le retour du voyage, le quotidien avait repris: la violence conjugale était de retour, ma mère-A se soûlait, une fois ivre, elle me frappait et mon père-A continuait à me traiter de menteuse. À cause de ce voyage, le mot "chance" était à nouveau dans la bouche des gens et les parents-A étaient vus comme des gens généreux. Ce mot chance m'avait toujours fait mal et maintenant, ça me faisait encore plus de mal. Il fallait oublier ma douleur et ma colère envers les Coréens.
Mon père-A disait qu'il n'avait pas à payer les études de la fillette qu'on avait retrouvée alors qu'il s'était vanté devant tout le monde à plusieurs reprises qu'il l'aiderait non seulement à payer ses études mais aussi à se nourrir en lui envoyant de l'argent. Le pire c'était qu'il n'arrêtait pas de dire à tout le monde qu'il avait peur que cette fillette soit violée par son père parce que sa famille dormait dans une même chambre. C'était tellement horrible que je ne doutais même pas qu'il allait sortir cet argument pour accuser mon père-B pour se défendre plus tard lors d'un procès.
Derniers mensonges et 5 ième réveil de la colère.
Dans les trois années suivant le dévoilement, ma mère-A avait préféré croire son mari et continuer à se soûler. Comme leur mariage tirait à sa fin, elle me croyait enfin mais elle me forçait à poursuivre mon père-A pour agressions sexuelles pour me laisser tomber une fois les procédures entamées. Le procès s'est étiré sur plusieurs années pour terminer par un acquittement pour faute de preuves et c'est à la fin du procès que ma douleur d'avoir perdu mon pays natal a refait surface.
J'ai tenté d'obtenir une certaine justice en écrivant au consulat coréen pour obtenir ma citoyenneté coréenne que je n'avais jamais reniée mais qu'on m'avait injustement enlevée sans ma permission. Voici un extrait de la lettre du consul que j'ai gardée. "Dans les circonstances, les gouvernements du temps on dû se laisser à résoudre à prendre des décisions très difficiles et ce dans l'intérêt de la majorité. Parmi ces décisions, effectivement l'adoption internationale fut très encouragée. Aujourd'hui, la situation de notre pays est tout autre. Notre économie est florissante et les gouvernements sont en mesure d'assumer pleinement leurs responsabilités dans tous les domaines."
Mensonges et hypocrisie! Cette lettre a été écrite en mars 1995; nous sommes en 2008 et la Corée continue à exporter ses enfants par le biais de l'adoption internationale. La Corée n'assume pas du tout leurs responsabilités dans ce domaine. Il parle de l'intérêt général de la majorité et je ne fais partie partie de la majorité. Une adoption devrait se faire, non pas dans l'intérêt général de la majorité mais dans l'intérêt de l'enfant.Ce consul m'avait aimablement fait comprendre que la Corée étant beaucoup changée, ça serait trop difficile pour moi de m'a adapter. Pour obtenir ma citoyenne coréenne (que je n'avais jamais reniée), il aurait fallu que je suive les mêmes procédures que n'importe quel étranger. Pour justifier mon adoption, les gens me disent souvent que si j'étais restée en Corée, je n'aurais pas pu étudier mais dans la liste des documents à présenter pour recouvrir ma citoyenneté, il était nécessaire que je leur présente un diplôme d'études. On m'a envoyée sans éducation et les mains vides à des étrangers et maintenant, pour que je puisse ravoir mon droit naturel, on me demande un diplôme. On demande aussi le recensement de l'enregistrement familial alors qu'ils m'ont arrachée à ma véritable famille. Une fois la citoyenneté obtenue, il aurait fallu que je renonce à ma citoyenneté canadienne alors qu'à cause d'eux, ma culture est devenue canadienne. L'injustice qu'on m'a fait subir en m'arrachant à mon pays natal et à mon père-B, l'injustice d'avoir été assimilée par les Québécois, de m'être fait voler ma culture et mon identité, personne ne pourra jamais la réparer mais au moins, j'aurais aimé qu'on remette ma citoyenneté coréenne sans me faire payer et passer par des procédures.
Ma colère réveillée à jamais.
En 2001, je suis retournée en Corée pour chercher ma famille-B. La veille de mon départ et pendant tout le temps que j'étais dans l'avion, j'ai ressenti de la colère mais plus grande que la colère était ma douleur d'avoir été rejetée par mon propre peuple. (Dans mon prochain blog, je parlerais en détails de mes recherches et ma retrouvaille avec ma famille.) J'y suis retournée en 2003 et c'est là que ma colère s'est réveillée définitivement pour ne plus se rendormir. Pendant mes deux séjours, j'ai vu des départs des enfants exportés.
La Corée est riche, ma soeur aînée vit plus richement que moi, beaucoup de familles qui ont abandonné leurs enfants à cause de leur pauvreté vivent maitenant très l'aise ou même plus confortablement que les adoptés. Je suis revenue au Canada en me jurant de ne plus jamais remettre mes pieds en Corée mais la partie coréenne qui reste en moi ne cesse de penser à la Corée. J'étais comme une épouse qui n'accepte une demande de divorce.
L'évolution de ma colère.
J'ai voulu tout oublier de la Corée mais impossible, sans arrêt je pense à la Corée. J'ai correspondu avec un adopté coréen de l'Angleterre (qui avait été abusé physiquement par sa famille-A). Pour la première fois, j'ai pu partager ma colère envers cette industrie de l'adoption internationale mais lui, il n'était pas en colère envers les Coréens, il était en colère envers les "blancs" et les pays importateurs d'enfants. Je ne comprenais pas pourquoi il était en colère envers les adopteurs mais j'ai respecté sa colère envers les blancs tout comme il a respecté ma colère envers les Coréens et les pays importateurs.
Voulant tout oublier de la Corée, j'ai lâchement arrêté de correspondre et j'ai perdu contact avec lui. Même si je voulais tout oublier de la Corée, je n'arrêtais pas de taper les mots "Korea" ou "Corée" dans le moteur de recherche Google ou dans YouTube. Ça m'a emmené à un vidéo d'un bébé coréen exporté. Je n'ai jamais été aussi en colère et ma haine n'a jamais été aussi en grande que ce jour où j'ai vu le vidéo de ce bébé exporté mais cette fois, ma colère n'était pas dirigée envers les Corées seulement mais aussi envers les parents blancs si fiers de parader avec leurs enfants de couleur. J'ai commencé à comprendre pourquoi mon ex-correspondant était si en colère envers les pays importateurs et les adopteurs, lui il avait tout compris de l'adoption internationale.
Pendant plusieurs mois, j'ai ressenti de la colère envers les Coréens et les pays importateurs d'enfants mais cette colère, je l'ai gardé pour moi jusqu'à ce que je découvre par hasard un groupe d'adoptés coréens. J'ai découvert que les sentiments que je ressens, d'autres adoptés aussi le ressentent même s'ils ont été adoptés lorsqu'ils étaient des bébés. Depuis, j'ai tenté de comprendre l'adoption internationale en lisant les histoires de l'adoption internationale et les blogs des parents-A autant que ceux du public en général et ceux des adoptés.
Il y a des adoptés coréens qui ont appris qu'ils avaient été kidnappés pour être donnés en adoption, d'autres (comme moi) qui ont appris que leurs parents-B les avaient perdus. C'est facile de s'indigner et de dire que ce n'est pas correct devant des trafics d'enfants comme au Guatemala, ou des kidnappings d'enfants comme en Inde ou l'arche de Zoé. On se dit indigné et on dit que c'est mal mais les trafics d'enfants continuent d'avoir lieu et sont même à la hausse. Ça montre que certaines personnes sont prêtes à tout pour devenir à tout prix des parents, pour posséder un enfant.
Et qu'en est-il lorsque les adoptions ne résultent pas d'un traffic ou d'un kidnapping? On a la conscience tranquille en se disant que ces enfants ont été "volontairement" abandonnés par leurs parents et qu'ils sont mieux de vivre avec des parents loin de leurs pays de naissance que dans des institutions. Moi, je ne peux ignorer la souffrance des parents pauvres ou des mères célibataires qui ont dû "volontairement" abandonner leurs enfants. Plutôt que de tenter d'avoir la conscience tranquille en se disant qu'on sauve un enfant, afin d'assouvir son propre besoin de devenir parents, on devrait plutôt travailler pour préserver la famille, on devrait penser à la souffrance des mères célibataires qui sont forcées par la pression sociale d'abandonner leurs enfants, on devrait aussi penser à la souffrance des parents qui sont forcés d'abandonner leurs enfants à cause de la pauvreté.
En comprenant pleinement l'adoption internationale, ma colère a évolué. Je ressens de la colère envers la société coréenne mais j'ai arrêté de mettre les Coréens dans un même panier de "méchants" qui rejettent leurs enfants et j'ai arrêté aussi de mettre les gens des pays adoptants dans un même panier de "bons" qui sauvent des enfants indésirables. Je ne ressens plus de colère et de haine incontrôlable envers les Coréens mais je suis révoltée et triste pour les mères célibataires en Corée qui sont forcées d'abandonner leurs enfants.Pour moi, les pays importateurs d'enfants sont aussi coupables que les pays exportateurs d'enfants. Maintenant, je ressens aussi de la colère envers les sociétés des pays importateurs qui veulent à tout prix maintenir l'adoption internationale, non pas en pensant au bien d'un enfant mais en pensant surtout à assouvir leurs besoins de devenir parents ou leurs besoins de contrer la dénatalité dans leurs pays.Je vis dans un pays où les femmes ont dû se battre pour avoir les mêmes droits que les hommes, d'autres pays de l'Ouest aussi ont eu à faire ce combat. Plutôt que d'applaudir ou d'aider une société comme la Corée qui tente de stopper l'adoption internationale en menant les mêmes combats que les femmes d'ici ont déjà mené, les gens et les agences d'adoption sont indignés et tristes parce qu'ils risquent de perdre un pays ressource où ils pouvaient "s'approvisionner" en enfants. Plutôt que de se réjouir pour un pays comme la Chine où l'adoption domestique augmente, on se plaint qu'il est rendu difficile d'adopter.
Je vis aussi dans une société où on doit protéger la langue française et où on parle de l'importance de préserver la culture Québécoise. Mais ces mêmes gens qui se battent pour préserver leur langue et leur culture n'ont aucun remords à enlever la culture de leurs "bébés chinois" qu'ils ont adoptés (achetés)!
Ma colère présente.
Je comprends que les parents qui abandonnent leurs enfants souffrent, je suis en colère après la société qui encourage l'adoption internationale au lieu de trouver un moyen pour préserver la famille mais je ne pardonne pas à la Corée. Si j'ai décidé de ne pas retourner en Corée malgré mon désir qui refait surface de temps en temps, c'est parce que la Corée a suffisamment fait d'argent avec moi. La Corée a fait de l'argent en me vendant légalement sous le déguisement de l'adoption internationale, elle a fait de l'argent en ne prenant pas ses responsabilités, elle a fait de l'argent avec toutes mes dépenses quand je suis retournée chercher ma famille biologique, et si je voulais ravoir la citoyenneté coréene, il me faudrait payer à nouveau pour toutes les paperasseries. À chaque fois qu'un adopté retourne pour retrouver ses racines, la Corée fait de l'argent et les adoptés sont traités de touristes! Je ne pardonne certainement pas à mon agence d'adoption qui a fait de l'argent tout autant que le gouvernement coréen. En plus des bénéfices qu'ils ont retiré des adoptions, ils font aussi de l'argent en organisant des camps de culture ou des voyages; maintenant que la recherche des familles est devenue une mode, ils font de l'argent en offrant leurs services aux adoptés qui veulent retrouver leurs parents biologiques.
J'avais 11 ans lorsque j'ai découvert les mensonges sur les papiers de l'adoption, j'ai d'abord ressenti de la colère et de la peine, puis de la haine. Pour moi, être rejetée par une nation entière était pire que d'être rejetée par ma famille-B. À la honte que j'avais d'avoir des yeux bridés s'est aussi ajoutée la honte d'avoir été rejetée par les gens de mon propre pays. Aux cours des annnées suivantes, je n'ai plus ressenti de colère mais la honte et la peine refaisaient parfois surface mais ces sentiments ne restaient pas longtemps. J'ai même fini par ne plus ressentir ces sentiments et en 1988, en regardant les jeux olympiques de Séoul, j'ai ressenti de l'amour et de la fierté (exactement comme avant de découvrir les mensonges) pour ce pays que je considérais toujours comme le mien. Je me demandais quelle partie je prendrais si un Coréen et un Canadien entraient en compétition.
1er réveil de la colère.
En 1989, mes parents-A et moi avons fait un voyage en Corée, le Motherland tour, organisé par l'agence Holt. C'était un voyage extrêmement pénible car deux ans plus tôt avait eu le dévoilement d'un lourd secret (ma mère-A avait appris que son mari avait abusé de moi). Son alcoolisme avait pris de l'ampleur et même si ce n'était pas moi qui lui avais révélé ce secret, elle m'avait traité de menteuse pendant ces deux années. J'étais la plus âgée des adoptés et toutes les familles semblaient parfaitement heureuses. Pendant que mes parents-A jouaient leur rôle de parfaits parents adoptifs, moi je devais jouer celui de leur parfaite enfant heureuse et chanceuse d'être adoptée. C'était déjà assez pénible de participer à cette hypocrisie mais voilà que j'ai senti ma colère remonter pendant que David Kim (responsable du tour et aussi celui qui avait travaillé avec Harry Holt) parlait des débuts de l'histoire de l'adoption. J'ai refoulé cette colère en essayant de l'ignorer parce que je croyais que j'étais la seule victime de leurs mensonges (ou de leurs erreurs) et que les autres adoptés étaient heureux.
2ième réveil de la colère.
J'avais réussi à refouler ma colère mais voilà qu'ils ont organisé une fête à Holt Ilsan Town avec le président qui faisait un discours. Il était en train de nous dire qu'avant, la Corée n'avait pas d'autres choix que de nous envoyer en adoption car elle était trop pauvre pour pouvoir garder leurs enfants. Je l'accorde, j'ai vécu dans l'extrême pauvreté, il y avait des jours où je devais sauter des repas quand j'habitais seule avec mon père-B. Mais, de quel droit m'avait-on arraché à ma famille qui m'aimait et que j'aimais? Je ne ressentais que de la haine et du mépris envers les Coréens qui n'avaient pas trouvé d'autres solutions que de se débarasser de ses enfants trop pauvres. Pendant que les parents adoptifs écoutaient le discours, les autres adoptés étaient partis jouer au ballon et moi, je restais sur place clouée par la peine et la colère. Le président continuait son discours en disant que la Corée était devenue riche et qu'elle pouvait maintenant garder ses enfants et prendre soin d'eux. Entendre dire que la Corée pouvait maintenant prendre soin de leurs enfants était une raison suffisante pour moi d'essayer de leur pardonner, donc j'ai à nouveau refoulé la colère. Le président terminait en disant aux adoptés: "...Souvenez-vous de la Corée, votre pays, dans le futur lorsque vous aurez un emploi important dans le domaine internatioanl..." Quel discours merdique, la Corée rejette ses enfants et après les avoir rejetés, elle leur demande de se souvenir d'elle. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si ça aussi faisait partie de leur plan et je n'avais pas envie de me souvenir de ce pays pour l'aider à l'enrichir.
Mensonges et 3ième réveil de la colère.
Nous étions au bureau de l'agence Holt pour assister au départ des bébés vers les États-Unis. Comme si les enfants exportés faisaient partie d'une parade, Holt avait organisé une journée pour que les adoptés et leurs parents-A puissent assister à cette scène "émouvante". Les parents-A n'arrêtaient pas de dire "touchant" ("it's so touching") pour décrire cette scène de bébés en pleurs avant leur départ. Les autres adoptés ayant été adoptés quand ils étaient des bébés n'avaient aucun souvenir de leur départ et ils n'avaient pas l'air d'être affectés mais moi, en ayant été adoptée à l'âge de 9 ans, je me souvenais exactement du jour où les Coréens m'avaient exportée. L'atmosphère était chargée de la même tension et du même énervement que 14 ans plus tôt; il y avait un garçon d'environ 6 ans qui frappait sur un plus jeune qui ne cessait de pleurer. Ça me rappelait que moi-même j'avais eu envie de frapper sur une fillette plus jeune que moi qui avait pleuré sans arrêt. Je me sentais seule et incomprise: les Coréens et les parents-A ne voyaient que la beauté et le côté touchant de l'adoption et moi, je voyais mon côté triste de l'adoption internationale: la perte de mon pays natal, la perte de ma famille, la perte de ma culture et de mon identité et pour la première fois, j'ai mesuré que la perte était plus grande que le gain de l'adoption. Les parents-A avaient les larmes aux yeux et continuaient à dire que c'était touchant, les autres adoptés faisaient de "gaga, guili, guili" devant les bébés et moi, je me retenais pour ne pas pleurer pour cacher ma douleur et refouler ma colère.
Mensonges et hypocrisie de l'adoption internationale! Quelques jours plus tôt, le président venait de faire un discours où il disait que la Corée était devenue un pays riche qui pouvait maintenant prendre soin de ses enfants et là, il nous faisait assister à l'exportation de ses enfants et il y avait deux fois plus d'enfants que le jour où j'ai été exporté en 1975!
Encore des mensonges et la colère.
Je voulais profiter des quatre jours de liberté pour chercher ma famille-B et rencontrer ma gardienne de l'orphelinat Saint-Paul. Les employés de Holt ne voulaient pas m'aider: l'un d'eux a presque ri quand je lui ai donné une page d'annuaire téléphonique contenant le nom de mon frère. "Ton frère s'appelle Dae-Yeul? C'est drôle, moi aussi je m'appelle Dae-Yeul!" Ils n'ont pas utilisé le mot menteuse mais ils se comportaient comme si j'étais une menteuse, comme si je fabriquais une famille fictive. Ils accédaient aux demandes des parents-A qui voulaient passer une journée dans une école coréenne ou faire d'autres activités mais ils n'ont rien fait pour tenter de combler mon désir d'aller de dormir dans une maison de style coréen avec une famille coréenne et ils ont même refusé de me donner le nom de mon premier orphelinat. Pourtant, ils nous avaient dit: "Vous pouvez écrire tout ce que vous voulez faire pendant les quatre jours et on va s'en occuper." Ni les religieuses de Saint-Paul, ni Holt n'ont daigné me répondre à cette simple question: "Quel est le nom de mon premier orphelinat?"
Je n'ai pas pu chercher ma famille car mes parents-A préféraient chercher une Coréenne que nous avions hébergée en 1987 pendant six mois pour une chirurgie à coeur ouvert. Mon père-A avait clamé tout haut sa générosité en répétant qu'il aimait cette petite fille et qu'il voulait la retrouver pour lui payer les études. Eux, ils ont obtenu tout l'aide nécessaire: un homme qui était impliqué dans l'organisation du parrainage des chirurgies cardiaques a réussi à retrouver la fillette en téléphonant toutes les écoles de la Corée. Si on m'avait donné une seule journée, j'aurais peut-être pu retrouver ma famille. Pour aller chercher la fillette, mes parents-A m'ont empêchée d'aller rencontrer ma gardienne de Saint-Paul. Pour ne pas répondre à ma requête, on m'avait dit que la Corée avait complètement changé mais c'était un mensonge car la fillette habitait dans une seule chambre avec toute sa famille, une maison semblable à celle où je vivais, avec un bécosse en guise de toilettes. Je me suis accrochée à l'idée que certaines parties de la Corée resteraient inchangées jusqu'à ce je retrouve ma famille-B.
Mensonges et 4ième réveil de la colère.
Dès le retour du voyage, le quotidien avait repris: la violence conjugale était de retour, ma mère-A se soûlait, une fois ivre, elle me frappait et mon père-A continuait à me traiter de menteuse. À cause de ce voyage, le mot "chance" était à nouveau dans la bouche des gens et les parents-A étaient vus comme des gens généreux. Ce mot chance m'avait toujours fait mal et maintenant, ça me faisait encore plus de mal. Il fallait oublier ma douleur et ma colère envers les Coréens.
Mon père-A disait qu'il n'avait pas à payer les études de la fillette qu'on avait retrouvée alors qu'il s'était vanté devant tout le monde à plusieurs reprises qu'il l'aiderait non seulement à payer ses études mais aussi à se nourrir en lui envoyant de l'argent. Le pire c'était qu'il n'arrêtait pas de dire à tout le monde qu'il avait peur que cette fillette soit violée par son père parce que sa famille dormait dans une même chambre. C'était tellement horrible que je ne doutais même pas qu'il allait sortir cet argument pour accuser mon père-B pour se défendre plus tard lors d'un procès.
Derniers mensonges et 5 ième réveil de la colère.
Dans les trois années suivant le dévoilement, ma mère-A avait préféré croire son mari et continuer à se soûler. Comme leur mariage tirait à sa fin, elle me croyait enfin mais elle me forçait à poursuivre mon père-A pour agressions sexuelles pour me laisser tomber une fois les procédures entamées. Le procès s'est étiré sur plusieurs années pour terminer par un acquittement pour faute de preuves et c'est à la fin du procès que ma douleur d'avoir perdu mon pays natal a refait surface.
J'ai tenté d'obtenir une certaine justice en écrivant au consulat coréen pour obtenir ma citoyenneté coréenne que je n'avais jamais reniée mais qu'on m'avait injustement enlevée sans ma permission. Voici un extrait de la lettre du consul que j'ai gardée. "Dans les circonstances, les gouvernements du temps on dû se laisser à résoudre à prendre des décisions très difficiles et ce dans l'intérêt de la majorité. Parmi ces décisions, effectivement l'adoption internationale fut très encouragée. Aujourd'hui, la situation de notre pays est tout autre. Notre économie est florissante et les gouvernements sont en mesure d'assumer pleinement leurs responsabilités dans tous les domaines."
Mensonges et hypocrisie! Cette lettre a été écrite en mars 1995; nous sommes en 2008 et la Corée continue à exporter ses enfants par le biais de l'adoption internationale. La Corée n'assume pas du tout leurs responsabilités dans ce domaine. Il parle de l'intérêt général de la majorité et je ne fais partie partie de la majorité. Une adoption devrait se faire, non pas dans l'intérêt général de la majorité mais dans l'intérêt de l'enfant.Ce consul m'avait aimablement fait comprendre que la Corée étant beaucoup changée, ça serait trop difficile pour moi de m'a adapter. Pour obtenir ma citoyenne coréenne (que je n'avais jamais reniée), il aurait fallu que je suive les mêmes procédures que n'importe quel étranger. Pour justifier mon adoption, les gens me disent souvent que si j'étais restée en Corée, je n'aurais pas pu étudier mais dans la liste des documents à présenter pour recouvrir ma citoyenneté, il était nécessaire que je leur présente un diplôme d'études. On m'a envoyée sans éducation et les mains vides à des étrangers et maintenant, pour que je puisse ravoir mon droit naturel, on me demande un diplôme. On demande aussi le recensement de l'enregistrement familial alors qu'ils m'ont arrachée à ma véritable famille. Une fois la citoyenneté obtenue, il aurait fallu que je renonce à ma citoyenneté canadienne alors qu'à cause d'eux, ma culture est devenue canadienne. L'injustice qu'on m'a fait subir en m'arrachant à mon pays natal et à mon père-B, l'injustice d'avoir été assimilée par les Québécois, de m'être fait voler ma culture et mon identité, personne ne pourra jamais la réparer mais au moins, j'aurais aimé qu'on remette ma citoyenneté coréenne sans me faire payer et passer par des procédures.
Ma colère réveillée à jamais.
En 2001, je suis retournée en Corée pour chercher ma famille-B. La veille de mon départ et pendant tout le temps que j'étais dans l'avion, j'ai ressenti de la colère mais plus grande que la colère était ma douleur d'avoir été rejetée par mon propre peuple. (Dans mon prochain blog, je parlerais en détails de mes recherches et ma retrouvaille avec ma famille.) J'y suis retournée en 2003 et c'est là que ma colère s'est réveillée définitivement pour ne plus se rendormir. Pendant mes deux séjours, j'ai vu des départs des enfants exportés.
La Corée est riche, ma soeur aînée vit plus richement que moi, beaucoup de familles qui ont abandonné leurs enfants à cause de leur pauvreté vivent maitenant très l'aise ou même plus confortablement que les adoptés. Je suis revenue au Canada en me jurant de ne plus jamais remettre mes pieds en Corée mais la partie coréenne qui reste en moi ne cesse de penser à la Corée. J'étais comme une épouse qui n'accepte une demande de divorce.
L'évolution de ma colère.
J'ai voulu tout oublier de la Corée mais impossible, sans arrêt je pense à la Corée. J'ai correspondu avec un adopté coréen de l'Angleterre (qui avait été abusé physiquement par sa famille-A). Pour la première fois, j'ai pu partager ma colère envers cette industrie de l'adoption internationale mais lui, il n'était pas en colère envers les Coréens, il était en colère envers les "blancs" et les pays importateurs d'enfants. Je ne comprenais pas pourquoi il était en colère envers les adopteurs mais j'ai respecté sa colère envers les blancs tout comme il a respecté ma colère envers les Coréens et les pays importateurs.
Voulant tout oublier de la Corée, j'ai lâchement arrêté de correspondre et j'ai perdu contact avec lui. Même si je voulais tout oublier de la Corée, je n'arrêtais pas de taper les mots "Korea" ou "Corée" dans le moteur de recherche Google ou dans YouTube. Ça m'a emmené à un vidéo d'un bébé coréen exporté. Je n'ai jamais été aussi en colère et ma haine n'a jamais été aussi en grande que ce jour où j'ai vu le vidéo de ce bébé exporté mais cette fois, ma colère n'était pas dirigée envers les Corées seulement mais aussi envers les parents blancs si fiers de parader avec leurs enfants de couleur. J'ai commencé à comprendre pourquoi mon ex-correspondant était si en colère envers les pays importateurs et les adopteurs, lui il avait tout compris de l'adoption internationale.
Pendant plusieurs mois, j'ai ressenti de la colère envers les Coréens et les pays importateurs d'enfants mais cette colère, je l'ai gardé pour moi jusqu'à ce que je découvre par hasard un groupe d'adoptés coréens. J'ai découvert que les sentiments que je ressens, d'autres adoptés aussi le ressentent même s'ils ont été adoptés lorsqu'ils étaient des bébés. Depuis, j'ai tenté de comprendre l'adoption internationale en lisant les histoires de l'adoption internationale et les blogs des parents-A autant que ceux du public en général et ceux des adoptés.
Il y a des adoptés coréens qui ont appris qu'ils avaient été kidnappés pour être donnés en adoption, d'autres (comme moi) qui ont appris que leurs parents-B les avaient perdus. C'est facile de s'indigner et de dire que ce n'est pas correct devant des trafics d'enfants comme au Guatemala, ou des kidnappings d'enfants comme en Inde ou l'arche de Zoé. On se dit indigné et on dit que c'est mal mais les trafics d'enfants continuent d'avoir lieu et sont même à la hausse. Ça montre que certaines personnes sont prêtes à tout pour devenir à tout prix des parents, pour posséder un enfant.
Et qu'en est-il lorsque les adoptions ne résultent pas d'un traffic ou d'un kidnapping? On a la conscience tranquille en se disant que ces enfants ont été "volontairement" abandonnés par leurs parents et qu'ils sont mieux de vivre avec des parents loin de leurs pays de naissance que dans des institutions. Moi, je ne peux ignorer la souffrance des parents pauvres ou des mères célibataires qui ont dû "volontairement" abandonner leurs enfants. Plutôt que de tenter d'avoir la conscience tranquille en se disant qu'on sauve un enfant, afin d'assouvir son propre besoin de devenir parents, on devrait plutôt travailler pour préserver la famille, on devrait penser à la souffrance des mères célibataires qui sont forcées par la pression sociale d'abandonner leurs enfants, on devrait aussi penser à la souffrance des parents qui sont forcés d'abandonner leurs enfants à cause de la pauvreté.
En comprenant pleinement l'adoption internationale, ma colère a évolué. Je ressens de la colère envers la société coréenne mais j'ai arrêté de mettre les Coréens dans un même panier de "méchants" qui rejettent leurs enfants et j'ai arrêté aussi de mettre les gens des pays adoptants dans un même panier de "bons" qui sauvent des enfants indésirables. Je ne ressens plus de colère et de haine incontrôlable envers les Coréens mais je suis révoltée et triste pour les mères célibataires en Corée qui sont forcées d'abandonner leurs enfants.Pour moi, les pays importateurs d'enfants sont aussi coupables que les pays exportateurs d'enfants. Maintenant, je ressens aussi de la colère envers les sociétés des pays importateurs qui veulent à tout prix maintenir l'adoption internationale, non pas en pensant au bien d'un enfant mais en pensant surtout à assouvir leurs besoins de devenir parents ou leurs besoins de contrer la dénatalité dans leurs pays.Je vis dans un pays où les femmes ont dû se battre pour avoir les mêmes droits que les hommes, d'autres pays de l'Ouest aussi ont eu à faire ce combat. Plutôt que d'applaudir ou d'aider une société comme la Corée qui tente de stopper l'adoption internationale en menant les mêmes combats que les femmes d'ici ont déjà mené, les gens et les agences d'adoption sont indignés et tristes parce qu'ils risquent de perdre un pays ressource où ils pouvaient "s'approvisionner" en enfants. Plutôt que de se réjouir pour un pays comme la Chine où l'adoption domestique augmente, on se plaint qu'il est rendu difficile d'adopter.
Je vis aussi dans une société où on doit protéger la langue française et où on parle de l'importance de préserver la culture Québécoise. Mais ces mêmes gens qui se battent pour préserver leur langue et leur culture n'ont aucun remords à enlever la culture de leurs "bébés chinois" qu'ils ont adoptés (achetés)!
Ma colère présente.
Je comprends que les parents qui abandonnent leurs enfants souffrent, je suis en colère après la société qui encourage l'adoption internationale au lieu de trouver un moyen pour préserver la famille mais je ne pardonne pas à la Corée. Si j'ai décidé de ne pas retourner en Corée malgré mon désir qui refait surface de temps en temps, c'est parce que la Corée a suffisamment fait d'argent avec moi. La Corée a fait de l'argent en me vendant légalement sous le déguisement de l'adoption internationale, elle a fait de l'argent en ne prenant pas ses responsabilités, elle a fait de l'argent avec toutes mes dépenses quand je suis retournée chercher ma famille biologique, et si je voulais ravoir la citoyenneté coréene, il me faudrait payer à nouveau pour toutes les paperasseries. À chaque fois qu'un adopté retourne pour retrouver ses racines, la Corée fait de l'argent et les adoptés sont traités de touristes! Je ne pardonne certainement pas à mon agence d'adoption qui a fait de l'argent tout autant que le gouvernement coréen. En plus des bénéfices qu'ils ont retiré des adoptions, ils font aussi de l'argent en organisant des camps de culture ou des voyages; maintenant que la recherche des familles est devenue une mode, ils font de l'argent en offrant leurs services aux adoptés qui veulent retrouver leurs parents biologiques.