21 janv. 2008

Les mensonges de la Corée et l'évolution de ma colère

Mensonges et colère
J'avais 11 ans lorsque j'ai découvert les mensonges sur les papiers de l'adoption, j'ai d'abord ressenti de la colère et de la peine, puis de la haine. Pour moi, être rejetée par une nation entière était pire que d'être rejetée par ma famille-B. À la honte que j'avais d'avoir des yeux bridés s'est aussi ajoutée la honte d'avoir été rejetée par les gens de mon propre pays. Aux cours des annnées suivantes, je n'ai plus ressenti de colère mais la honte et la peine refaisaient parfois surface mais ces sentiments ne restaient pas longtemps. J'ai même fini par ne plus ressentir ces sentiments et en 1988, en regardant les jeux olympiques de Séoul, j'ai ressenti de l'amour et de la fierté (exactement comme avant de découvrir les mensonges) pour ce pays que je considérais toujours comme le mien. Je me demandais quelle partie je prendrais si un Coréen et un Canadien entraient en compétition.

1er réveil de la colère.

En 1989, mes parents-A et moi avons fait un voyage en Corée, le Motherland tour, organisé par l'agence Holt. C'était un voyage extrêmement pénible car deux ans plus tôt avait eu le dévoilement d'un lourd secret (ma mère-A avait appris que son mari avait abusé de moi). Son alcoolisme avait pris de l'ampleur et même si ce n'était pas moi qui lui avais révélé ce secret, elle m'avait traité de menteuse pendant ces deux années. J'étais la plus âgée des adoptés et toutes les familles semblaient parfaitement heureuses. Pendant que mes parents-A jouaient leur rôle de parfaits parents adoptifs, moi je devais jouer celui de leur parfaite enfant heureuse et chanceuse d'être adoptée. C'était déjà assez pénible de participer à cette hypocrisie mais voilà que j'ai senti ma colère remonter pendant que David Kim (responsable du tour et aussi celui qui avait travaillé avec Harry Holt) parlait des débuts de l'histoire de l'adoption. J'ai refoulé cette colère en essayant de l'ignorer parce que je croyais que j'étais la seule victime de leurs mensonges (ou de leurs erreurs) et que les autres adoptés étaient heureux.

2ième réveil de la colère.
J'avais réussi à refouler ma colère mais voilà qu'ils ont organisé une fête à Holt Ilsan Town avec le président qui faisait un discours. Il était en train de nous dire qu'avant, la Corée n'avait pas d'autres choix que de nous envoyer en adoption car elle était trop pauvre pour pouvoir garder leurs enfants. Je l'accorde, j'ai vécu dans l'extrême pauvreté, il y avait des jours où je devais sauter des repas quand j'habitais seule avec mon père-B. Mais, de quel droit m'avait-on arraché à ma famille qui m'aimait et que j'aimais? Je ne ressentais que de la haine et du mépris envers les Coréens qui n'avaient pas trouvé d'autres solutions que de se débarasser de ses enfants trop pauvres. Pendant que les parents adoptifs écoutaient le discours, les autres adoptés étaient partis jouer au ballon et moi, je restais sur place clouée par la peine et la colère. Le président continuait son discours en disant que la Corée était devenue riche et qu'elle pouvait maintenant garder ses enfants et prendre soin d'eux. Entendre dire que la Corée pouvait maintenant prendre soin de leurs enfants était une raison suffisante pour moi d'essayer de leur pardonner, donc j'ai à nouveau refoulé la colère. Le président terminait en disant aux adoptés: "...Souvenez-vous de la Corée, votre pays, dans le futur lorsque vous aurez un emploi important dans le domaine internatioanl..." Quel discours merdique, la Corée rejette ses enfants et après les avoir rejetés, elle leur demande de se souvenir d'elle. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si ça aussi faisait partie de leur plan et je n'avais pas envie de me souvenir de ce pays pour l'aider à l'enrichir.

Mensonges et 3ième réveil de la colère.

Nous étions au bureau de l'agence Holt pour assister au départ des bébés vers les États-Unis. Comme si les enfants exportés faisaient partie d'une parade, Holt avait organisé une journée pour que les adoptés et leurs parents-A puissent assister à cette scène "émouvante". Les parents-A n'arrêtaient pas de dire "touchant" ("it's so touching") pour décrire cette scène de bébés en pleurs avant leur départ. Les autres adoptés ayant été adoptés quand ils étaient des bébés n'avaient aucun souvenir de leur départ et ils n'avaient pas l'air d'être affectés mais moi, en ayant été adoptée à l'âge de 9 ans, je me souvenais exactement du jour où les Coréens m'avaient exportée. L'atmosphère était chargée de la même tension et du même énervement que 14 ans plus tôt; il y avait un garçon d'environ 6 ans qui frappait sur un plus jeune qui ne cessait de pleurer. Ça me rappelait que moi-même j'avais eu envie de frapper sur une fillette plus jeune que moi qui avait pleuré sans arrêt. Je me sentais seule et incomprise: les Coréens et les parents-A ne voyaient que la beauté et le côté touchant de l'adoption et moi, je voyais mon côté triste de l'adoption internationale: la perte de mon pays natal, la perte de ma famille, la perte de ma culture et de mon identité et pour la première fois, j'ai mesuré que la perte était plus grande que le gain de l'adoption. Les parents-A avaient les larmes aux yeux et continuaient à dire que c'était touchant, les autres adoptés faisaient de "gaga, guili, guili" devant les bébés et moi, je me retenais pour ne pas pleurer pour cacher ma douleur et refouler ma colère.
Mensonges et hypocrisie de l'adoption internationale! Quelques jours plus tôt, le président venait de faire un discours où il disait que la Corée était devenue un pays riche qui pouvait maintenant prendre soin de ses enfants et là, il nous faisait assister à l'exportation de ses enfants et il y avait deux fois plus d'enfants que le jour où j'ai été exporté en 1975!


Encore des mensonges et la colère.

Je voulais profiter des quatre jours de liberté pour chercher ma famille-B et rencontrer ma gardienne de l'orphelinat Saint-Paul. Les employés de Holt ne voulaient pas m'aider: l'un d'eux a presque ri quand je lui ai donné une page d'annuaire téléphonique contenant le nom de mon frère. "Ton frère s'appelle Dae-Yeul? C'est drôle, moi aussi je m'appelle Dae-Yeul!" Ils n'ont pas utilisé le mot menteuse mais ils se comportaient comme si j'étais une menteuse, comme si je fabriquais une famille fictive. Ils accédaient aux demandes des parents-A qui voulaient passer une journée dans une école coréenne ou faire d'autres activités mais ils n'ont rien fait pour tenter de combler mon désir d'aller de dormir dans une maison de style coréen avec une famille coréenne et ils ont même refusé de me donner le nom de mon premier orphelinat. Pourtant, ils nous avaient dit: "Vous pouvez écrire tout ce que vous voulez faire pendant les quatre jours et on va s'en occuper." Ni les religieuses de Saint-Paul, ni Holt n'ont daigné me répondre à cette simple question: "Quel est le nom de mon premier orphelinat?"
Je n'ai pas pu chercher ma famille car mes parents-A préféraient chercher une Coréenne que nous avions hébergée en 1987 pendant six mois pour une chirurgie à coeur ouvert. Mon père-A avait clamé tout haut sa générosité en répétant qu'il aimait cette petite fille et qu'il voulait la retrouver pour lui payer les études. Eux, ils ont obtenu tout l'aide nécessaire: un homme qui était impliqué dans l'organisation du parrainage des chirurgies cardiaques a réussi à retrouver la fillette en téléphonant toutes les écoles de la Corée. Si on m'avait donné une seule journée, j'aurais peut-être pu retrouver ma famille. Pour aller chercher la fillette, mes parents-A m'ont empêchée d'aller rencontrer ma gardienne de Saint-Paul. Pour ne pas répondre à ma requête, on m'avait dit que la Corée avait complètement changé mais c'était un mensonge car la fillette habitait dans une seule chambre avec toute sa famille, une maison semblable à celle où je vivais, avec un bécosse en guise de toilettes. Je me suis accrochée à l'idée que certaines parties de la Corée resteraient inchangées jusqu'à ce je retrouve ma famille-B.

Mensonges et 4ième réveil de la colère.

Dès le retour du voyage, le quotidien avait repris: la violence conjugale était de retour, ma mère-A se soûlait, une fois ivre, elle me frappait et mon père-A continuait à me traiter de menteuse. À cause de ce voyage, le mot "chance" était à nouveau dans la bouche des gens et les parents-A étaient vus comme des gens généreux. Ce mot chance m'avait toujours fait mal et maintenant, ça me faisait encore plus de mal. Il fallait oublier ma douleur et ma colère envers les Coréens.
Mon père-A disait qu'il n'avait pas à payer les études de la fillette qu'on avait retrouvée alors qu'il s'était vanté devant tout le monde à plusieurs reprises qu'il l'aiderait non seulement à payer ses études mais aussi à se nourrir en lui envoyant de l'argent. Le pire c'était qu'il n'arrêtait pas de dire à tout le monde qu'il avait peur que cette fillette soit violée par son père parce que sa famille dormait dans une même chambre. C'était tellement horrible que je ne doutais même pas qu'il allait sortir cet argument pour accuser mon père-B pour se défendre plus tard lors d'un procès.

Derniers mensonges et 5 ième réveil de la colère.
Dans les trois années suivant le dévoilement, ma mère-A avait préféré croire son mari et continuer à se soûler. Comme leur mariage tirait à sa fin, elle me croyait enfin mais elle me forçait à poursuivre mon père-A pour agressions sexuelles pour me laisser tomber une fois les procédures entamées.
Le procès s'est étiré sur plusieurs années pour terminer par un acquittement pour faute de preuves et c'est à la fin du procès que ma douleur d'avoir perdu mon pays natal a refait surface.
J'ai tenté d'obtenir une certaine justice en écrivant au consulat coréen pour obtenir ma citoyenneté coréenne que je n'avais jamais reniée mais qu'on m'avait injustement enlevée sans ma permission.
Voici un extrait de la lettre du consul que j'ai gardée. "Dans les circonstances, les gouvernements du temps on dû se laisser à résoudre à prendre des décisions très difficiles et ce dans l'intérêt de la majorité. Parmi ces décisions, effectivement l'adoption internationale fut très encouragée. Aujourd'hui, la situation de notre pays est tout autre. Notre économie est florissante et les gouvernements sont en mesure d'assumer pleinement leurs responsabilités dans tous les domaines."
Mensonges et hypocrisie! Cette lettre a été écrite en mars 1995; nous sommes en 2008 et la Corée continue à exporter ses enfants par le biais de l'adoption internationale. La Corée n'assume pas du tout leurs responsabilités dans ce domaine. Il parle de l'intérêt général de la majorité et je ne fais partie partie de la majorité. Une adoption devrait se faire, non pas dans l'intérêt général de la majorité mais dans l'intérêt de l'enfant.Ce consul m'avait aimablement fait comprendre que la Corée étant beaucoup changée, ça serait trop difficile pour moi de m'a adapter. Pour obtenir ma citoyenne coréenne (que je n'avais jamais reniée), il aurait fallu que je suive les mêmes procédures que n'importe quel étranger. Pour justifier mon adoption, les gens me disent souvent que si j'étais restée en Corée, je n'aurais pas pu étudier mais dans la liste des documents à présenter pour recouvrir ma citoyenneté, il était nécessaire que je leur présente un diplôme d'études. On m'a envoyée sans éducation et les mains vides à des étrangers et maintenant, pour que je puisse ravoir mon droit naturel, on me demande un diplôme. On demande aussi le recensement de l'enregistrement familial alors qu'ils m'ont arrachée à ma véritable famille. Une fois la citoyenneté obtenue, il aurait fallu que je renonce à ma citoyenneté canadienne alors qu'à cause d'eux, ma culture est devenue canadienne. L'injustice qu'on m'a fait subir en m'arrachant à mon pays natal et à mon père-B, l'injustice d'avoir été assimilée par les Québécois, de m'être fait voler ma culture et mon identité, personne ne pourra jamais la réparer mais au moins, j'aurais aimé qu'on remette ma citoyenneté coréenne sans me faire payer et passer par des procédures.

Ma colère réveillée à jamais.


En 2001, je suis retournée en Corée pour chercher ma famille-B. La veille de mon départ et pendant tout le temps que j'étais dans l'avion, j'ai ressenti de la colère mais plus grande que la colère était ma douleur d'avoir été rejetée par mon propre peuple. (Dans mon prochain blog, je parlerais en détails de mes recherches et ma retrouvaille avec ma famille.) J'y suis retournée en 2003 et c'est là que ma colère s'est réveillée définitivement pour ne plus se rendormir. Pendant mes deux séjours, j'ai vu des départs des enfants exportés.
La Corée est riche, ma soeur aînée vit plus richement que moi, beaucoup de familles qui ont abandonné leurs enfants à cause de leur pauvreté vivent maitenant très l'aise ou même plus confortablement que les adoptés.
Je suis revenue au Canada en me jurant de ne plus jamais remettre mes pieds en Corée mais la partie coréenne qui reste en moi ne cesse de penser à la Corée. J'étais comme une épouse qui n'accepte une demande de divorce.

L'évolution de ma colère.

J'ai voulu tout oublier de la Corée mais impossible, sans arrêt je pense à la Corée. J'ai correspondu avec un adopté coréen de l'Angleterre (qui avait été abusé physiquement par sa famille-A). Pour la première fois, j'ai pu partager ma colère envers cette industrie de l'adoption internationale mais lui, il n'était pas en colère envers les Coréens, il était en colère envers les "blancs" et les pays importateurs d'enfants. Je ne comprenais pas pourquoi il était en colère envers les adopteurs mais j'ai respecté sa colère envers les blancs tout comme il a respecté ma colère envers les Coréens et les pays importateurs.

Voulant tout oublier de la Corée, j'ai lâchement arrêté de correspondre et j'ai perdu contact avec lui. Même si je voulais tout oublier de la Corée, je n'arrêtais pas de taper les mots "Korea" ou "Corée" dans le moteur de recherche Google ou dans YouTube. Ça m'a emmené à un vidéo d'un bébé coréen exporté. Je n'ai jamais été aussi en colère et ma haine n'a jamais été aussi en grande que ce jour où j'ai vu le vidéo de ce bébé exporté mais cette fois, ma colère n'était pas dirigée envers les Corées seulement mais aussi envers les parents blancs si fiers de parader avec leurs enfants de couleur. J'ai commencé à comprendre pourquoi mon ex-correspondant était si en colère envers les pays importateurs et les adopteurs, lui il avait tout compris de l'adoption internationale.
Pendant plusieurs mois, j'ai ressenti de la colère envers les Coréens et les pays importateurs d'enfants mais cette colère, je l'ai gardé pour moi jusqu'à ce que je découvre par hasard un groupe d'adoptés coréens. J'ai découvert que les sentiments que je ressens, d'autres adoptés aussi le ressentent même s'ils ont été adoptés lorsqu'ils étaient des bébés. Depuis, j'ai tenté de comprendre l'adoption internationale en lisant les histoires de l'adoption internationale et les blogs des parents-A autant que ceux du public en général et ceux des adoptés.
Il y a des adoptés coréens qui ont appris qu'ils avaient été kidnappés pour être donnés en adoption, d'autres (comme moi) qui ont appris que leurs parents-B les avaient perdus. C'est facile de s'indigner et de dire que ce n'est pas correct devant des trafics d'enfants comme au Guatemala, ou des kidnappings d'enfants comme en Inde ou l'arche de Zoé. On se dit indigné et on dit que c'est mal mais les trafics d'enfants continuent d'avoir lieu et sont même à la hausse. Ça montre que certaines personnes sont prêtes à tout pour devenir à tout prix des parents, pour posséder un enfant.
Et qu'en est-il lorsque les adoptions ne résultent pas d'un traffic ou d'un kidnapping? On a la conscience tranquille en se disant que ces enfants ont été "volontairement" abandonnés par leurs parents et qu'ils sont mieux de vivre avec des parents loin de leurs pays de naissance que dans des institutions. Moi, je ne peux ignorer la souffrance des parents pauvres ou des mères célibataires qui ont dû "volontairement" abandonner leurs enfants. Plutôt que de tenter d'avoir la conscience tranquille en se disant qu'on sauve un enfant, afin d'assouvir son propre besoin de devenir parents, on devrait plutôt travailler pour préserver la famille, on devrait penser à la souffrance des mères célibataires qui sont forcées par la pression sociale d'abandonner leurs enfants, on devrait aussi penser à la souffrance des parents qui sont forcés d'abandonner leurs enfants à cause de la pauvreté.


En comprenant pleinement l'adoption internationale, ma colère a évolué. Je ressens de la colère envers la société coréenne mais j'ai arrêté de mettre les Coréens dans un même panier de "méchants" qui rejettent leurs enfants et j'ai arrêté aussi de mettre les gens des pays adoptants dans un même panier de "bons" qui sauvent des enfants indésirables. Je ne ressens plus de colère et de haine incontrôlable envers les Coréens mais je suis révoltée et triste pour les mères célibataires en Corée qui sont forcées d'abandonner leurs enfants.Pour moi, les pays importateurs d'enfants sont aussi coupables que les pays exportateurs d'enfants. Maintenant, je ressens aussi de la colère envers les sociétés des pays importateurs qui veulent à tout prix maintenir l'adoption internationale, non pas en pensant au bien d'un enfant mais en pensant surtout à assouvir leurs besoins de devenir parents ou leurs besoins de contrer la dénatalité dans leurs pays.Je vis dans un pays où les femmes ont dû se battre pour avoir les mêmes droits que les hommes, d'autres pays de l'Ouest aussi ont eu à faire ce combat. Plutôt que d'applaudir ou d'aider une société comme la Corée qui tente de stopper l'adoption internationale en menant les mêmes combats que les femmes d'ici ont déjà mené, les gens et les agences d'adoption sont indignés et tristes parce qu'ils risquent de perdre un pays ressource où ils pouvaient "s'approvisionner" en enfants. Plutôt que de se réjouir pour un pays comme la Chine où l'adoption domestique augmente, on se plaint qu'il est rendu difficile d'adopter.
Je vis aussi dans une société où on doit protéger la langue française et où on parle de l'importance de préserver la culture Québécoise. Mais ces mêmes gens qui se battent pour préserver leur langue et leur culture n'ont aucun remords à enlever la culture de leurs "bébés chinois" qu'ils ont adoptés (achetés)!


Ma colère présente.

Je comprends que les parents qui abandonnent leurs enfants souffrent, je suis en colère après la société qui encourage l'adoption internationale au lieu de trouver un moyen pour préserver la famille mais je ne pardonne pas à la Corée. Si j'ai décidé de ne pas retourner en Corée malgré mon désir qui refait surface de temps en temps, c'est parce que la Corée a suffisamment fait d'argent avec moi. La Corée a fait de l'argent en me vendant légalement sous le déguisement de l'adoption internationale, elle a fait de l'argent en ne prenant pas ses responsabilités, elle a fait de l'argent avec toutes mes dépenses quand je suis retournée chercher ma famille biologique, et si je voulais ravoir la citoyenneté coréene, il me faudrait payer à nouveau pour toutes les paperasseries. À chaque fois qu'un adopté retourne pour retrouver ses racines, la Corée fait de l'argent et les adoptés sont traités de touristes! Je ne pardonne certainement pas à mon agence d'adoption qui a fait de l'argent tout autant que le gouvernement coréen. En plus des bénéfices qu'ils ont retiré des adoptions, ils font aussi de l'argent en organisant des camps de culture ou des voyages; maintenant que la recherche des familles est devenue une mode, ils font de l'argent en offrant leurs services aux adoptés qui veulent retrouver leurs parents biologiques.


15 janv. 2008

Chance et gratitude

"Tu es chanceuse (d'avoir été adoptée)" ou "Tes parents sont généreux (de t'avoir adoptée)" sont des expressions que j'ai souvent entendues depuis que j'ai été adoptée (depuis que je comprends le français).
Quand j'ai commencé à dire à quelques amies que j'ai été abusée par mon père-A, le mot chance a été remplacé par malchance, comme s'il fallait absolument utiliser le mot chance dès qu'il s'agit d'une adoption, elles m'ont dit: "Tu as été malchanceuse dans ton adoption" ce qui signifie que les autres adoptés qui n'ont pas été abusés sont toujours chanceux d'avoir été adoptés. En ce qui concerne la générosité de mes parents-A, une tante avec qui je discutais pour la première des abus que j'ai subis de la part de mon père-A me disait: "Ton père est quand même un homme généreux de t'avoir adoptée. Il avait déjà 5 enfants et il aurait pu refuser de t'adopter! Il faut être généreux pour pouvoir adopter..." Pédophile généreux, quelle ironie!

Si on doit absolument parler de chance à quelqu'un, ça devrait être aux parents adoptifs, eux qui voulaient à tout prix avoir un enfant après plusieurs tentatives de FIV, eux qui voulaient tellement fonder une famille tout en étant généreux, eux qui voulaient absolument un garçon après plusieurs filles ou une fille après plusieurs garçons, eux qui voulaient absolument agrandir la famille.

Je n'ai pas choisi mes parents-A, tout comme je n'ai pas choisi de quitter mon pays. Les démarches de l'adoption, ce sont eux qui l'ont fait, ce sont eux qui m'avaient choisie, moi je ne le ai pas choisis; ils ont tout signé et moi, je n'ai rien signé. Certes, mes parents-A m'ont "sauvée" de l'extrême pauvreté mais je n'ai jamais demandé de me sauver. Je ne leur suis pas reconnaissante de m'avoir adoptée. Mon séjour à mon premier orphelinat fait partie des moments les plus affreux de ma vie mais lorsque je regarde le passé, j'aurais préféré rester enfermée dans cet orphelinat où nous étions battus chaque jour car au moins, là-bas, je n'avais pas tout perdu (identité, culture, langue, pays).

Même si j'avais eu de parfaits parents adoptifs, je n'aurais pas été reconnaissante car pour moi, la perte de mon identité, de ma culture, de ma langue et de mon pays est plus importante que le gain de parents et la richesse. C'est à l'adopté de mesurer si la perte est plus ou moins importante que le gain de l'adoption. Il appartient à chaque adopté de définir son adoption comme étant une chance ou non sans se faire juger par la société.

Pourquoi sans cesse parler de chance et gratitude aux enfants adoptés? Dit-on à un enfant qu'il est "chanceux" d'être né? Dit-on à un enfant que ses parents sont généreux de l'avoir mis au monde?







4 janv. 2008

Les mensonges derrière mon adoption.

Mon adoption n'est ni le résultat d'un trafic d'enfants, ni celui d'un kidnapping mais c'est le résultat de mensonges fabriqués par une agence d'adoption comme la plupart des adoptions internationales.

J'ai (j'avais) une famille bien connue.
Née à Séoul, j'étais la cadette d'une famille de 4 enfants. Mon père travaillait dans la construction jusqu'à ce qu'il perde son emploi suite à un accident de travail qui a laissé son bras presque paralysé. Ma soeur aînée était déjà mariée et j'avais six ans quand notre mère est décédée dans un accident d'autobus. Mon père, qui tentait de nous trouver une nouvelle mère, a perdu tout l'argent qu'il avait obtenu des assurances provenant du décès de notre mère. Sa première fiancée a disparu sans laisser de trace après avoir obtenu son prêt; quant à la deuxième, elle ne voulait plus le marier, ni le rembourser; comble de malheur, une famille à qui mon père avait prêté l'argent a déclaré faillite. Malgré la pauvreté, je ne souffrais pas de car j'allais manger chez ma soeur aînée n'importe quand. La situation était différente pour mon père puisque ma soeur aînée et lui ne s'entendaient pas et refusaient de se voir. J'allais souvent voir mon frère qui avait quitté ses études pour aller travailler tout près de chez nous.

À chaque semaine, mon père m'envoyait en campagne pour aller réclamer l'argent que ses débiteurs lui devaient. Un jour, il a demandé à ma grande soeur de m'accompagner pour qu'elle puisse me remplacer de temps en temps. Comme d'habitude, les gens n'avaient pas l'argent nécessaire pour nous rembourser mais ils ont proposé à ma soeur de travailler comme bonne pour une famille très riche. Mon père a refusé cette proposition et a renvoyé ma soeur en campagne pour qu'elle leur demande de nous rembourser mais elle n'est jamais revenue. Chacun de leur côté, ma soeur aînée et mon père ont essayé de faire revenir ma grande soeur mais sans succès.
Pour sauver les coûts de transport et aussi parce que nous ne pouvions plus payer de loyer, nous avons déménagé en campagne. Chaque jour, j'allais voir la famille qui nous devait de l'argent mais elle refusait de nous rembourser. Nous avons vécu dans l'extrême pauvreté jusqu'à ce que mon père m'emmène voir le patron de ma grande soeur. Pendant que mon père m'attendait dans la rue, je devais faire comprendre au patron que mon père allait retirer ma soeur s'il refusait de nous donner l'argent de sa paie. Je faisais le va-et-vient entre les deux parce que l'un refusait et l'autre menaçait, jusqu'à ce que je ne trouve pas mon père là où il devait m'attendre. Je me suis crue abandonnée et sans attendre une seconde, j'ai marché tout droit devant moi pendant toute la journée et la soirée jusqu'à ce qu'un monsieur me demande pourquoi je pleurais.

1er mensonge
Au poste de police, j'ai donné l'adresse complète de mon ancienne maison à Séoul, en précisant que ma soeur aînée habitait près de là et que j'étais même capable de retrouver ma nouvelle maison en campagne puisque j'avais voyagé des tas de fois toute seule. J'ai aussi parlé de mon frère qui travaillait près de mon ancienne maison. On m'a transférée à un autre poste de police, puis à une place pour enfants perdus puis à un orphelinat. À l'orphelinat, j'ai à nouveau donné mon ancienne adresse sans oublier les autres détails. La dame qui avait noté tout ce que je disais a promis qu'elle ferait tout son possible pour retrouver ma maison. À 7-8 ans, je croyais qu'il était très difficile de trouver une maison, donc je me suis fiée à sa promesse et j'ai attendu.

2ième mensonge
Trois mois plus tard, un homme visitait l'orphelinat. Comme la première fois, il demadait aux enfants qui connaissaient leurs adresses de lever la main. J'ai donné pour une troisième fois mon ancienne adresse à Séoul, sans oublier de mentionner que je pouvais retrouver ma nouvelle maison en campagne à partir de là et que je pouvais aussi aller habiter chez ma soeur aînée. À nouveau, j'ai eu plein d'espoir quand cet homme nous a promis de revenir nous chercher aussitôt qu'il aurait retrouvé nos maisons. Une semaine plus tard, il est revenu nous chercher: je croyais que c'était pour me retourner à la maison mais en fait, ce monsieur aussi avait menti!

3ième mensonge.
En fait, il n'avait jamais cherché nos maisons car il travaillait pour l'orphelinat Saint-Paul. Pendant mes dix mois passés à cet orphelinat, je n'ai pas pu fréquenter l'école car, disait-on, "Les nouvelles ne peuvent pas aller à l'école car elles s'en vont aux États-Unis bientôt". Je n'avais aucune idée de ce que le mot "États-Unis" voulait dire et pendant tout mon séjour à cet orphelinat, je croyais que ce monsieur continuait à chercher mon ancienne maison très fort. Pendant ce temps, j'étais heureuse d'être à cet orphelinat car j'avais plein d'amies, il y avait pleine d'activités, j'étais bien nourrie et bien traitée (tout le contraire du premier orphelinat où nous étions battues tous les jours). La seule peine que j'avais, c'était de ne pas avoir mon père et même si je savais que je ne vivrais plus dans le confort, j'espérais très fort qu'on le retrouve très bientôt. Je parlais fréquemment de mes soeurs, de mon frère et mon neveu ainsi que de ma nouvelle nièce que je n'avais vue que deux fois.

4ième mensonge.
Dès notre arrivée, on nous a réunies dans un bureau devant des hommes (des employés de Holt Children's Service) pour nous questionner. J'étais la seule à connaître ma date de naissance mais ces messieurs nous ont attribué des nouvelles dates de naissance. Au lieu que je sois née le 13 août, on m'a donné une autre date en novembre! Nous prenions ça comme un jeu car nous trouvions ça très drôle, au lieu d'avoir 10 ans, les unes en avaient 8 ou 9, d'autres 7 ans. Je ne doutais même pas que ce jeu de monsonges n'était qu'une première étape vers l'adoption internationale!

5ième mensonge.
Tous les enfants parlaient des États-Unis comme si c'était un pays de conte de fée. Par exemples, on disait: "Aux États-Unis, le lait coule des murs", "Aux États-Unis, la pâte dentifrice est rouge et on peut l'avaler comme du bonbon." Pendant ce temps, aucun adulte n'intervenait pour nous expliquer. Plusieurs de mes amies sont parties aux États-Unis et moi-même, j'ai commencé à rêver des États-Unis tout en continuaant à espérer revoir mon père. Je savais que quand une amie partait pour les États-Unis, elle quittait l'orphelinat pour de bon mais je n'avais toujours pas une idée précise à part que c'était un pays des riches où des parents riches nous attendaient.
Finalement, le jour de mon départ pour les États-Unis est arrivé. La religieuse m'a emmenée à un endroit (au bureau de Holt), et de là, une travailleuse sociale m'a emmenée aux États-Unis.... En fait, entre le bureau de Holt et les États-Unis, il s'était écoulé à peine deux minutes de trajet en autobus mais je me croyais déjà aux États-Unis parce que personne ne m'avait expliqué ce mot encore. Mensonge par omission! Je n'étais pas la seule "naïve" qui ne connaissait pas ce mot puisqu'une fillette plus âgée que moi était revenue un jour à l'orphelinat et prétendait qu'elle avait été aux États-Unis mais qu'elle n'avait pas aimé ça. Je n'ai compris que rendue en Amérique qu'en fait, c'était une maison d'ajustement.

Découverte des mensonges.
Ce n'est que dans ma 2ième année au Canada que j'ai découvert les mensonges sur les papiers d'adoption

Ce document, appelé Hojuk, est un registre de famille qui enregistre les naissances, les décès, les mariages, etc. Celui-ci étant une traduction, il est écrit au bas "true and correct translation". Pourquoi n'y a-t-il aucune information sur mes parents alors que j'avais vécu plus de 8 années avec ma famille? C'est parce que ce Hojuk est fabriqué spécialement dans le but de l'adoption. En Corée, les agences d'adoption et le gouvernement fabriquent un hojuk d'orphelin pour pouvoir expédier leurs enfants dans le but les faire adopter dans d'autres pays. Les ratures qui sont là ont été faites par moi pendant que j'étais en colère. Ma date de naissance est un mensonge et les informations concernant mes parents n'ont pas été écrites.
Plus de 25 ans plus tard, j'ai retrouvé toutes ces informations bien inscrites sur les registres du premier orphelinat. J'ai même retrouvé mon ancienne adresse que j'avais donné à chaque endroit où j'avais séjourné mais ni l'orphelinat Saint-Paul, ni l'agence Holt n'ont jugé bon d'écrire ces informations. Selon la traductrice qui m'accompagnait, l'adresse que j'avais donnée était étonamment complète pour une enfant de 7 ans: on aurait pu facilement retrouver ma maison si on s'était donné la peine de se déplacer mais ces sales menteurs ont préféré fabriquer un papier pour pouvoir m'arracher de mon pays et m'envoyer dans un pays étranger. Pourquoi? Pour se faire des milliers de dollars en me vendant légalement par le biais de l'adoption internationale!

Sur cet autre document, mon lieu de naissance est inconnu mais, si on s'était donné la peine d'aller voir ma soeur aînée, on aurait pu savoir que je suis née à Séoul. On a indiqué aussi que les cirscontances qui m'ont emmené à être "adoptable" est l'abandon mais personne n'a pris la peine d'aller voir un membre de ma famille pour obtenir leur autorisation de m'envoyer en adoption.
En plus de ces mensonges, sur les rapports de mes progrès, l'agence d'adoption a écrit que j'étudiais les mathématiques tous les soirs (alors que je n'ai jamais fréquenté l'école pendant mon séjour à l'orphelinat), elle prétend aussi que je prenais du lait et du pain tous les jours, ce qui est absolument faux! Ces deux nourritures m'étaient inconnues jusqu'à mon arrivée en Amérique.

Après les mensonges, b*llsh*t
Après tous ces mensonges, on m'a expédiée avec un visa de voyage coréen dans le but d'adoption. Cette fois, puisqu'on a besoin d'un lieu de naissance, on a inscrit que je suis née à Séoul. On a hachuré "bearer's return" (retour du porteur), on m'envoie pour de bon comme un vulgaire produit. Et moi qui croyais que j'allais au>x États-Unis pour un court séjour! Quel crime avais-je commis pour être expédiée au loin sans avoir la possibilité de retourner dans mon pays?

Mesonges des acheteurs
Récemment j'ai découvert que mes adopteurs aussi avaient menti en inscrivant sur la demande d'adoption qu'ils étaient des citoyens américains. Trop pressés de remplir leur poche d'argent, l'agence d'adoption et le gouvernement coréen n'ont même pas vérifié au préable la véracité des papiers. Mon entrée aux États-Unis étant illégale, l'immigration m'a accordé un visa pour cause humanitaire. En plus de ces mensonges, mon adopteur qui avait 5 enfants biologiques de son premier mariage, avait écrit qu'il avait seulement 3 enfants. Mon adoption a été finalisée plus de deux ans après mon arrivée mais pour cela, mes adopteurs ont dû retourner au Canada, dans leus pays de naissance.

Je me rappelle d'une visite d'une dame quand j'habitais le Maine mais personne ne m'avait expliqué que cette dame était une travailleuse sociale. De toute façon, elle ne parlait pas le coréen. Si on m'avait donné le droit de m'exprimer, j'aurais choisi de retourner dans mon pays natal avec mon père.

Perdue mais non abandonnée.
Lorsque j'ai retrouvé ma famille biologique, j'ai appris que mon père ne m'avait pas abandonnée. Il est mort 3 ans après m'avoir perdue.

L'adoption internationale est une grande business qui sert à l'intérêt d'un couple sans enfant. C'est mal d'arracher un enfant de son pays et de sa culture pour combler les désirs des adultes qui veulent à tout prix un enfant. Le meilleur intérêt d'un enfant est d'être élevé par ses parents biologiques et en second lieu, être adopté dans son pays. De plus, les enfants qu'on envoie en adoption internationale ont tous un parent ou une famille élargie qui pourraient les élever mieux que des étrangers de races différentes. Il est injuste que des parents pauvres n'aient pas le droit d'élever leurs propres enfants biologiques et que des riches parents infertiles prennent les enfants des autres sous prétexte qu'ils "sauvent" des enfants d'un pays pauvre.