"Tu es chanceuse (d'avoir été adoptée)" ou "Tes parents sont généreux (de t'avoir adoptée)" sont des expressions que j'ai souvent entendues depuis que j'ai été adoptée (depuis que je comprends le français).
Quand j'ai commencé à dire à quelques amies que j'ai été abusée par mon père-A, le mot chance a été remplacé par malchance, comme s'il fallait absolument utiliser le mot chance dès qu'il s'agit d'une adoption, elles m'ont dit: "Tu as été malchanceuse dans ton adoption" ce qui signifie que les autres adoptés qui n'ont pas été abusés sont toujours chanceux d'avoir été adoptés. En ce qui concerne la générosité de mes parents-A, une tante avec qui je discutais pour la première des abus que j'ai subis de la part de mon père-A me disait: "Ton père est quand même un homme généreux de t'avoir adoptée. Il avait déjà 5 enfants et il aurait pu refuser de t'adopter! Il faut être généreux pour pouvoir adopter..." Pédophile généreux, quelle ironie!
Si on doit absolument parler de chance à quelqu'un, ça devrait être aux parents adoptifs, eux qui voulaient à tout prix avoir un enfant après plusieurs tentatives de FIV, eux qui voulaient tellement fonder une famille tout en étant généreux, eux qui voulaient absolument un garçon après plusieurs filles ou une fille après plusieurs garçons, eux qui voulaient absolument agrandir la famille.
Je n'ai pas choisi mes parents-A, tout comme je n'ai pas choisi de quitter mon pays. Les démarches de l'adoption, ce sont eux qui l'ont fait, ce sont eux qui m'avaient choisie, moi je ne le ai pas choisis; ils ont tout signé et moi, je n'ai rien signé. Certes, mes parents-A m'ont "sauvée" de l'extrême pauvreté mais je n'ai jamais demandé de me sauver. Je ne leur suis pas reconnaissante de m'avoir adoptée. Mon séjour à mon premier orphelinat fait partie des moments les plus affreux de ma vie mais lorsque je regarde le passé, j'aurais préféré rester enfermée dans cet orphelinat où nous étions battus chaque jour car au moins, là-bas, je n'avais pas tout perdu (identité, culture, langue, pays).
Même si j'avais eu de parfaits parents adoptifs, je n'aurais pas été reconnaissante car pour moi, la perte de mon identité, de ma culture, de ma langue et de mon pays est plus importante que le gain de parents et la richesse. C'est à l'adopté de mesurer si la perte est plus ou moins importante que le gain de l'adoption. Il appartient à chaque adopté de définir son adoption comme étant une chance ou non sans se faire juger par la société.
Pourquoi sans cesse parler de chance et gratitude aux enfants adoptés? Dit-on à un enfant qu'il est "chanceux" d'être né? Dit-on à un enfant que ses parents sont généreux de l'avoir mis au monde?
Quand j'ai commencé à dire à quelques amies que j'ai été abusée par mon père-A, le mot chance a été remplacé par malchance, comme s'il fallait absolument utiliser le mot chance dès qu'il s'agit d'une adoption, elles m'ont dit: "Tu as été malchanceuse dans ton adoption" ce qui signifie que les autres adoptés qui n'ont pas été abusés sont toujours chanceux d'avoir été adoptés. En ce qui concerne la générosité de mes parents-A, une tante avec qui je discutais pour la première des abus que j'ai subis de la part de mon père-A me disait: "Ton père est quand même un homme généreux de t'avoir adoptée. Il avait déjà 5 enfants et il aurait pu refuser de t'adopter! Il faut être généreux pour pouvoir adopter..." Pédophile généreux, quelle ironie!
Si on doit absolument parler de chance à quelqu'un, ça devrait être aux parents adoptifs, eux qui voulaient à tout prix avoir un enfant après plusieurs tentatives de FIV, eux qui voulaient tellement fonder une famille tout en étant généreux, eux qui voulaient absolument un garçon après plusieurs filles ou une fille après plusieurs garçons, eux qui voulaient absolument agrandir la famille.
Je n'ai pas choisi mes parents-A, tout comme je n'ai pas choisi de quitter mon pays. Les démarches de l'adoption, ce sont eux qui l'ont fait, ce sont eux qui m'avaient choisie, moi je ne le ai pas choisis; ils ont tout signé et moi, je n'ai rien signé. Certes, mes parents-A m'ont "sauvée" de l'extrême pauvreté mais je n'ai jamais demandé de me sauver. Je ne leur suis pas reconnaissante de m'avoir adoptée. Mon séjour à mon premier orphelinat fait partie des moments les plus affreux de ma vie mais lorsque je regarde le passé, j'aurais préféré rester enfermée dans cet orphelinat où nous étions battus chaque jour car au moins, là-bas, je n'avais pas tout perdu (identité, culture, langue, pays).
Même si j'avais eu de parfaits parents adoptifs, je n'aurais pas été reconnaissante car pour moi, la perte de mon identité, de ma culture, de ma langue et de mon pays est plus importante que le gain de parents et la richesse. C'est à l'adopté de mesurer si la perte est plus ou moins importante que le gain de l'adoption. Il appartient à chaque adopté de définir son adoption comme étant une chance ou non sans se faire juger par la société.
Pourquoi sans cesse parler de chance et gratitude aux enfants adoptés? Dit-on à un enfant qu'il est "chanceux" d'être né? Dit-on à un enfant que ses parents sont généreux de l'avoir mis au monde?
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