La recherche de ma famille, une aventure mêlée de foi et d'incrédulité, d'espoir et de foi, de joie et de peine...
Quand je parle de la réunion avec ma famille, les gens disent que c'est une chance mais je préfère dire que c'est un miracle car lorsque je regarde avec recul, je me rends compte que le hasard seul ne m'aurait pas poussé à chercher ma famille et le hasard seul n'aurait pas abouti à ce résultat. Dans ce qui suit, je vous raconte les "petits miracles" (hasards) de la vie qui m'ont poussée à débuter la recherche et je vous raconte aussi tous les détails de ma recherche qui m'ont mené à ce que je considère être un miracle ainsi que les retrouvailles de ma famille.
Les petits miracles
1999: Si vous avez eu l'occasion de côtoyer des Coréens ou même des adoptés coréens, moi je n'ai pas eu cette occassion. Les immigrés coréens (du Québec) habitent l'ouest du centre-ville de Montréal et les étudiants vont à McGill's University, une université anglophone alors que moi, j'ai toujours habité la banlieue de Montréal, un milieu francophone et je fréquentais une université francophone. J'ai donc été très surprise de rencontrer CA, une "vraie" Coréenne, une nouvelle étudiante graduée dans mon département, d'autant plus qu'elle avait du mal à parler le français. Ma rencontre avec CA est ce que j'appelle le premier petit miracle de la vie.
Dès notre première rencontre, je lui ai parlé de mon désir de retrouver ma famille-B alors que je n'en avais pas parlé depuis 1989. Si ma mère-A n'avait pas été en train de mourir de cancer, je ne lui aurais jamais parlé de ce que je considérais depuis longtemps comme une cause perdue. Ma mère-A est décédée quelques jours après ma rencontre avec CA. Je crois que sa maladie et son décès font aussi partie des petits miracles de la vie, dans le sens qu'ils faisaient partie d'un plan de Dieu pour les retrouvailles de ma famille-B. Ça ne veut pas dire que j'ai vécu sa maladie et son décès sereinement, au contraire, les derniers jours de ma mère-A ont été extrêmement pénibles pour moi car elle était la dernière personne de ma famille. J'étais consciente que si le cancer l'emportait, j'allais me trouver seule au monde, sans parent, sans conjoint, ni frère, ni sœur, ni enfant et mes amies toutes parties au loin d'autres pays ou provinces. CA m'a parlé d'une émission de télévision coréenne pour chercher les familles perdues mais il aurait fallu que j'aille en Corée donc je ne me suis pas attardée à cette solution.
Après le décès de ma mère-A, j'ai arrêté d'aller à l'université puis après plusieurs mois, j'y suis retournée pour une seule journée. J'ai rencontré M. G, un prof que j'avais toujours trouvé super sympa (même si je ne le connaissais pas beaucoup) parce qu'il disait bonjour à chaque étudiant dans sa langue d'origine. Je ne lui ai jamais dit que j'avais été assimilée de force par les Québécois mais quand même, ça me faisait plaisir d'entendre dire bonjour en coréen (et non en chinois!) M. G m'a dit: "Hasard ou destin? Ça fait des mois que vous ne venez plus et de mon côté, ça fait des mois que je ne viens pas car je préfère travailler à la maison. Aujourd'hui, non seulement je vous rencontre mais je porte aussi le chandail que j'avais acheté à Pohang en Corée alors que je ne le porte jamais." En l'entendant prononcer le mot Corée, j'ai eu l'idée de lui demander s'il connaissait des Coréens qui pourraient m'aider à retrouver ma famille. M. G fait aussi partie des petits miracles qui précèdent ma réunion avec ma famille car il m'a mis en contact avec un prof en Corée.
Début des recherches.
2000: J'ai envoyé un résumé de ma vie (écrit sur 4 1/2 pages) au contact de M. G. Mon dossier a été remis entre les mains d'un policier. Il a téléphoné à tous les hommes portant le même nom que mon frère, il a placé des annonces dans les journaux, sur l'internet et même aux nouvelles. Après quelques mois, cette recherche n'a rien donné.
Le policier avait fait tout ce qu'il y avait affaire, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus rien d'autres à faire. Rien, mais rien à faire, fini, fini,fini! Il n'y avait plus aucun espoir. Le policier et le prof avaient peur que je sois découragée mais c'était bizarre, je me sentais très sereine. Avant, je n'avais rencontré que des gens qui avaient des doutes quant à l'existence de ma famille et ceux qui me croyaient ne voulaient pas m'aider mais là, ce policier et ce prof étaient tellement gentils et ils avaient mis tellement d'effort que ça m'a donné de l'espoir en la vie malgré les circonstances.
2001. CA partait en Corée avec sa fille pour aller voir ses parents et elle m'invitait à les accompagner. Ma première réaction a été de refuser car je n'avais pas les moyens de dépenser plus de 1500$ pour un voyage qui ne garantissait aucun résultat alors qu'un policier venait de chercher sans résultat. CA m'a nommé une liste de raisons qui valait la peine de considérer
- en restant chez ses parents, je n'aurais pas à dépenser pour mon séjour, ni pour la nourriture.
- cette opportunité de voyager à moindre coût ne se représenterait peut-être plus.- je pourrais passer en direct à KBS, un poste de télévision coréenne.>
Je me suis laissée convaincre par ses arguments et j'ai acheté un billet d'avion pour un séjour de six semaines. Je recommençais à avoir de l'espoir car selon CA, mes chances de retrouver ma famille seraient très grandes en passant à l'émission
Achim Madang, de KBS.
Quelques jours avant le départ, CA m'a appelé pour me dire que finalement, son papa refusait que je passe les six semaines avec eux. Si j'avais pu, j'aurais annulé mes billets d'avion. CA m'a trouvé une famille chez qui je pouvais aller habiter à partir de la deuxième semaine, en échange de mon séjour, je n'aurais qu'à parler l'anglais avec une petite fille de sept ans (soit dit en passant, je parle l'anglais avec un accent québécois et mon anglais n'est pas super).
9 juillet: j'avais peur d'aller en Corée malgré mon désir d'y retourner pour reprendre ma place mais je savais que je devais y aller pour trouver des réponses. Je ressentais de la colère envers mes deux sœurs (surtout ma sœur aînée) et mon père. J'ai dit à une amie que je voulais retrouver ma famille pour revoir mon frère, mon neveu, mon beau-frère, ma deuxième sœur et ma nièce mais que je refuserais de revoir mon père et ma sœur aînée. Après avoir dit ça, j'ai réalisé que les deux noms que j'avais effacés de ma mémoire étaient ceux de mon père et de ma sœur aînée et ça m'a fait réaliser que probablement, j'avais dû leur en vouloir inconsciemment pendant toutes ces années pour m'avoir abandonnée et ne pas m'avoir protégée.
Au delà de la foi.
10-11 juillet: CA et sa fille étaient assises loin de moi. Je me disais que c'était mieux ainsi car toutes sortes d'idées trottaient dans ma tête. Ça me faisait un mal horrible de retourner dans mon pays natal en tant que touriste alors que je n'avais jamais demandé à le quitter: le sentiment d'avoir été rejetée était insupportable. Jusque là, il m'était arrivé de ressentir ces sentiments mais seulement des fractions de secondes et ce n'était pas très concret dans le sens que je ne pouvais pas définir ces sentiments avec des mots mais là, je les ressentais de façon continue et j'étais capable de les définir avec des mots: peine, douleur, colère, rejet.
À l'atterrissage, j'ai ressenti de la colère envers les douaniers coréens comme s'ils étaient les seuls responsables de mon exportation. J'aurais voulu pouvoir remonter dans l'avion et revenir au Québec pour ne pas ressentir ce rejet.(J'ai détaillé ce que je ressentais pendant mon envolée vers la Corée, parce qu'il arrive aux adoptés de ressentir de la colère et du rejet pendant le vol vers leur pays de naissance. Ce n'est pas universel mais si cela vous arrive alors que vous n'aviez jamais ressenti ça, ne vous en faites pas.)
12-17 juillet: CA m'annonce qu'elle vient d'appeler KBS et qu'on refuse de me prendre à cause d'une trop longue liste d'attente. J'étais certaine qu'elle avait déjà appelé l'émission avant d'arriver en Corée et là, j'apprenais qu'elle venait juste d'appeler. J'étais découragée et je me disais que j'avais dépensé pour rien.
Même si les parents de CA étaient extrêment gentils, j'avais l'impression que sa mère me détestait et ça me donnait juste envie de pleurer. Elle me donnait l'impression que ma culture québécoise était trop visible et mon physique coréen invisible.
La religieuse de l'orphelinat Saint-Paul m'a donné le nom de mon premier orphelinat (alors qu'elle avait refusé de me donner cette information en 1977 et 1989).
La Corée était complètement changée: j'avais l'impression de vivre un cauchemar. Je passe des détails de ce que je ressentais, c'est trop difficile. J'en voulais à Dieu d'avoir permis que je sois en Corée pour me faire dire que KBS ne pouvait pas me faire passer à leur émission alors que c'était la seule raison qui m'avait décidé d'aller en Corée.
Avant mon départ, je m'étais fait un peu d'argent pour les handicapés de Ilsan Holt Center que j'avais visité lors du voyage Motherland tour en 1989 et j'avais aussi apporté une valise pleine de toutous et quelques friandises pour les enfants. J'avais donc contacté Molly Holt pour lui dire que je passerais la voir pour lui remettre quelques petites choses pour les résidants de Ilsan Holt Center.
J'ai passé trois jours à Ilsan Holt Town dans la maison de Molly Holt. Ça faisait une impression bizarre de pouvoir lui parler, elle était extrêmement gentille et elle m'a même parlé de
GOAL pour chercher ma famille. Malgré sa gentillesse, je n'arrivais pas à lui faire confiance. Je suis allée remplir un formulaire à GOAL mais je n'avais pas l'argent sur moi pour l'inscription. Plus tard, une voix intérieure m'a dit de ne pas utiliser GOAL.
Mon premier orphelinat n'existe plus mais dans les archives, on a retrouvé toutes les informations que j'avais moi-même donné lorsque j'avais 7-8 ans: les noms de mes parents, mon ancienne adresse à Séoul et le nom de la ville où j'habitais en campagne. Je n'avais jamais oublié le nom de ma mère et celui de mon père oublié dès la première année de ma vie en Amérique sonnait très bizarrement. CA était étonnée qu'une enfant de 7 ans ait pu savoir une adresse aussi complète. Le souvenir du jour où ma famille me faisait répéter mon adresse pour que je puisse l'apprendre par cœur m'est remontée en mémoire. J'ai pensé alors qu'elle pourrait me servir pour la recherche de ma famille mais l'employé du bureau nous a dit que cette information était tout à fait inutile car la Corée avait trop changé. Je me répétais mentalement le nom de mon père mais le son des trois syllabes du nom sonnaient encore étrangement. D'un coup, je me suis imaginée en train de m'asseoir sur les genoux de mon père rendu vieux et j'ai eu envie de le revoir pour lui dire que je lui avais pardonné. C'est bizarre, j'imaginais déjà l'œuvre parfaite de Dieu alors que d'habitude, je ne suis pas "spirituelle".
18 - 23 juillet: déménagé chez la famille où je dois parler l'anglais avec la petite SY. Extrêmement gentille cette famille mais je me sentais isolée...Quand j'ai demandé le nom de la dame de maison, on m'a répondu de l'appeler "SY omma", c'est-à-dire la mère de SY (hahaha, c'est la tradition corénne, chaque seconde passée en Corée m'a mis en évidence que je suis une Québécoise emprisonnée dans un corps de Coréenne). Les parents de SY ne parlaient pas du tout l'anglais, donc il n'y avait que la petite avec qui je pouvais communiquer. Quand la mère de SY m'a emmenée au poste de police pour faire chercher ma famille, je n'ai même pas pu lui dire que j'avais déjà contacté le policier de Pohang l'année précédente.
Chaque jour, je me promenais dans les rues de Séoul en pleurant sans arrêt et je n'essayais même pas de cacher mes larmes. J'avais les yeux rouges à force de pleurer mais j'aimais mieux rester le plus longtemps possible dehors pour ne pas me trouver devant des gens qui ne pouvaient pas me comprendre.
Si vous avez voyagé à Séoul, vous allez me trouver ridicule, surtout si vous avez connu cette ville dans les années 1970. Je faisais la seule chose qui me restait à faire pour retrouver ma famille: marcher tous les jours dans les rues de Séoul pour chercher un lieu que j'avais connu. Dans les rues ou dans les métros, j'espérais croiser par hasard un membre de ma famille. Je regardais les visages de ces milliers de Coréens et je me disais que tel homme pouvait être mon frère, tel autre homme mon neveu, telle femme ma sœur aînée, telle autre ma deuxième sœur, ... Tout en pleurant, je priais silencieusement en répétant sans cesse: "Seigneur, va au-delà de ma foi."
Une amie m'avait dit de visiter l'église de Yonggi Cho, la plus grande église évangélique du monde. Pour aller à
Yoido Full Gospel Church, on devait passer par Yondongpo (le quartier où j'habitais à Séoul). J'ai commencé à être hyper attentive pour essayer de reconnaître un lieu inchangé. En passant devant un mur, j'ai eu une forte impression que c'était LE mur de la cour du couvent où j'allais à l'école du dimanche avec ma sœur. Je savais que mes impressions étaient complètement irrationnelles car plus rien n'était pareil, de plus le mur que j'avais connu était gris alors que celui-ci était peint. Pourtant, j'avais la sensation que c'était le mur du couvent. J'aurais voulu descendre de l'auto mais j'étais seule avec le père de SY qui ne comprenait pas l'anglais donc je ne pouvais rien dire. J'avais presque la certitude que nous roulions sur le boulevard où j'avais marché des centaines de fois lorsque j'étais petite, mais encore une fois, je me disais que mes sensations étaient complètement irrationnelles. On s'approchait de l'église de Yoido mais je continuais à penser au mur du couvent et à mon boulevard.
J'ai rencontré LSY une jeune dame extraordinaire, employée de Yoido Full Gospel Church, qui m'a proposé de m'accompagner le lendemain pour tenter de retrouver ma famille. Après avoir été à deux stations locales de police, nous avons marché dans les rues de Yondonpo. Mes impressions n'étaient pas si irrationnelles. Il s'avère que le mur.....était bien celui que je croyais être. À l'intérieur de la cour, j'ai retrouvé le couvent que j'avais déjà fréquenté avec ma sœur pour les classes du dimanche. Mais ça n'aidait pas à mes recherches car à l'extérieur de la cour, tout était changé. À la place du chemin de terre qui menait à ma maison, il y avait des bâtiments de plusieurs étages et plusieurs maison. Je me rappelais exactement du chemin qui reliait ma maison à mon école mais il n'y avait plus de chemin et la maison où j'avais vécu n'existait plus et à la place des champs de cresson et de choux, il y avait des centaines de maisons modernes.
Avant de me quitter, LSY était inquiète mais je lui ai dit que je ne risquais pas de me perdre. Toute seule, j'ai continué à errer les rues de Yondongpo tout en pleurant et en espérant rencontrer par hasard un membre de ma famille. Le boulevard sur lequel je marchais était bien celui où j'avais marché des centaines de fois quand je n'avais que six ans. Les seules choses qui n'avaient pas disparues étaient un marché, une école et un viaduc reliant les trottoirs. J'ai réalisé que pendant les 27 ans de ma vie loin de ma famille, j'avais espéré retrouver tous les lieux où j'avais vécu intacts afin de pouvoir reprendre ma place et continuer à vivre comme si rien ne s'était passé.
Le poste de télé KBS ne pouvait pas me prendre et de toute façon, un policier avait déjà cherché sans succès, l'adresse de mon ancienne maison que je venais de trouver était inutile. Que pouvais-je faire d'autres? J'ai continué à marcher sur le boulevard jusque tard le soir mais je savais que c'était une cause perdue d'avance où l'intervention humaine ne servait à rien. Ma foi se limitait à croire que rien n'était impossible à Dieu et j'ai continué à prier silencieusement: "Seigneur, va au-delà de ma foi"
Devant la voisine de mon hôtesse, j'ai décrit tous mes souvenirs du boulevard près de mon ancienne maison à Yongdongpo. Elle me dit que j'ai une mémoire phénoménale selon sa vieille tante à qui elle lui a parlé de mes souvenirs.
Surprise: KBS m'a demandé de faxer mon résumé.
24 juillet: CA m'a téléphoné pour me dire d'agir plus comme une Coréenne avec mon hôtesse. "Tu dois agir plus comme une Coréenne avec la dame, lui dire merci en coréen, te courber en la saluant avant de quitter la maison, ... " me dit-elle. J'ai eu l'impression d'avoir reçu une gifle. "Est-ce la mère de SY qui t'a dit ça?" ai-je demandé. "Non, ça vient de ma mère mais ça n'a pas d'importance parce que si tu n'agis pas en coréen, les gens ne t'aimeront pas."
À cet instant, j'ai compris ce que Molly Holt avait voulu me dire en me disant: "Les Coréens voient le physique des adoptés et ils s'attendent qu'ils agissent comme eux et qu'ils parlent comme eux... " C'était la première fois que j'ai eu mal en pensant que j'étais rendu complètement Québécoise. J'ai perdu confiance en moi-même et j'ai appelé Molly Holt afin d'aller habiter chez elle pour le reste de mon séjour en Corée.
25 juillet: J'ai acheté des billets de train pour un weekend à Pohang (afin de rendre visite au policier et au prof qui avaient tenté de trouver ma famille en 2000). À mon retour de Pohang, il est prévu que j'aille habiter avec Molly Holt à Ilsan Holt Town et donc je suis allée porter un premier bagage au bureau de Holt.
Au bureau de Holt à Séoul:
- j'ai rencontré le directeur de Holt Children's Service. Évolution complète par rapport à 1989! Il avait l'air sincèrement de vouloir m'aider!
- Le directeur m'a emmenée dans une salle pour prier pour des bébés avant leur départ pour leur pays d'adoption. Je me suis demandée pourquoi la Corée, un pays si riche, se débarrassait encore de ses bébés. À travers ces bébés qui allaient être exportés le jour-même, je me suis sentie à nouveau rejetée. Ça m'a donné envie de pleurer mais je me suis retenue.
- Par la suite, il m'a mis en contact avec LL, une adoptée coréenne qui travaillait dans le bureau de Holt. C'était ma première rencontre avec une KAD. Elle me disait: "Quand je suis aux États-Unis, je veux être en Corée et quand je suis en Corée, je veux être aux États-Unis. Je ne suis bien ni ici, ni là-bas." Elle m'a montré une image d'une rivière accrochée sur le mur en disant: "C'était comme ça quand je vivais en Corée et plus rien n'est pareil aujourd'hui."
En l'écoutant parler, je me suis sentie comprise pour la première fois de ma vie.
- LL m'a demandé d'aller chercher mon deuxième bagage et de déménager immédiatement à Ilsan Holt Town.
Qu'est-ce qui est plus facile à chercher/trouver? Une aiguille dans une botte de foin ou une famille dans une population de 48 millions d'habitants. Je dirais que c'est une aiguille dans une botte de foin. J'ai admis que ça ne servait à rien de parcourir les rues de Séoul et j'ai décidé de laisser une "chance" à Dieu d'aller au-delà de ma foi en arrêtant de chercher par mes propres moyens. Comme preuve de ma petite foi, j'ai pris la résolution de ne plus rien faire pour trouver ma famille.
Juste au moment où j'ai décidé de ne plus tenter de trouver ma famille par mes propres moyens, j'ai reçu un appel de KBS m'invitant à aller à un interview.
27 - 29 juillet:
Interview à KBS. L'interviewer de KBS me dit qu'il a bien aimé le résumé de ma vie. Les autres personnes présentes ont dit qu'elles avaient attendu plus de 5 ans avant d'être acceptées pour un interview. L'une d'entre elles a attendu 10 ans... et moi, je n'ai attendu que 2 semaines et si on ne compte qu'à partir de ma demande officielle, j'ai attendu moins d'une semaine. Évidemment, je n'ai rien dit. Certitude dans mon cœur de retrouver ma famille.
Weekend à Pohang où j'ai pu enfin me relaxer de mes émotions.
30 juillet - 7 août: Retour à Ilsan.
- Rencontre la travailleuse sociale Mme KGS.
- Inscription comme bénévole de Ilsan Holt Town car
je ne voulais plus sortir.
- La veille de l'émission "Achim Madang", rencontre avec la traductrice HHA.
8 août:
En direct à KBS, à l'émission Achim Madang. Je n'ai parlé qu'au plus 2-3 minutes avant que mes sœurs m'appellent l'une après l'autre, d'abord ma sœur M et ensuite ma sœur aînée. Ces appels au bout de 2 minutes m'ont fait douter car aux cours des années passées, j'avais imaginé retrouver ma famille grâce à ma mémoire et mes souvenirs. Quand j'ai appris que notre père était décédé depuis plusieurs années (3 ans après m'avoir perdu), mes doutes ont accru et lorsque j'ai appris que mon grand frère aussi était décédé (depuis environ une dizaine d'années), j'étais rendue totalement incrédule. J'avais la certitude que ces deux femmes étaient des imposteurs prétendant être mes sœurs mais tout le monde sur le plateau de tournage a commencé à applaudir et mon temps d'antenne a été passé à la personne suivante.
Après l'émission, j'étais persuadée que la femme portant le même nom que ma sœur M était un imposteur.J'ai demandé à la recherchiste si elle avait bien vérifié si les deux femmes qui m'avaient appelée étaient mes sœurs. Malgré sa réponse, je me disais que leur frère et leur père portaient par hasard les mêmes noms que mon frère et mon père. "Oui, oui, disait-on, ce sont bien tes sœurs." De toute façon, pendant cette semaine, on vérifierait davantage si ces femmes étaient bien mes sœurs et on m'appellerait au plus tard vendredi ou lundi pour les rencontrer en direct le mercredi suivant; dans le cas contraire, je n'aurais aucune nouvelle.
Rencontre P, un KAD français, par l'intermédiaire de ma traductrice. Passé le reste de journée et la soirée avec P et N (une autre KAD bénévole à Ilsan). C'était super ce sentiment d'être à ma place. Merci à P pour cette journée merveilleuse!
De retour à Ilsan, j'ai annoncé à tout le monde que les deux femmes qui m'avaient appelée étaient des imposteurs. Trois jours plus tard, je me suis réveillée en pleurs en pleine nuit. Je pleurais de fatigue, de rage et de douleur: mon temps d'antenne avait été coupé par des imposteurs et maintenant, je n'aurais plus jamais l'opportunité de repasser à la télévision, plus jamais! Je n'avais jamais prié avec autant de paroles de toute ma vie. J'ai reproché à Dieu de m'avoir permis de venir en Corée pour rien et encore pire, de m'avoir permis de passer à l'émission inutilement. J'ai pleuré et prié (si reprocher à Dieu s'appelle prier) pendant deux heures. Soudainement, j'ai ressenti une paix incroyable et j'ai "entendu" une voix intérieure (difficile d'expliquer en mots) me disant qu'Il allait retrouver ma famille. "...mais vous serez à nouveau séparés par une barrière de culture" Et là, j'ai répondu: oui. J'étais consciente que ma culture était québécoise.
Le lendemain, je me suis réveillée avec la certitude que les femmes qui m'avaient appelée à KBS étaient mes sœurs mais comme j'avais déjà convaincu tout le monde que c'étaient des imposteurs, personne ne voulait me croire. Entre autres, la travailleuse sociale m'a répété à plusieurs reprises de faire très attention de ne pas me laisser avoir: " ... parce que c'est déjà arrivé dans le passé. "
On m'avait dit que ces femmes étaient mes soeurs, alors j'aurais des nouvelles au plus tard le lundi. Or, le lundi soir, je n'avais toujours aucune nouvelle de KBS mais j'étais toujours convaincu de rencontrer ma famille. Mardi, ma certitude était encore tellement grande que j'ai appelé la traductrice pour lui dire: "Alors, demain, je rencontre mes sœurs?" et elle me répond: "Ah! oui, je crois que je devais t'appeler mais je ne l'ai pas fait."
15 août: J'ai retrouvé ma sœur M en direct à KBS.
Dans la journée, j'ai retrouve ma sœur aînée et mon beau-frère. Plus tard, j'ai rencontré pour la première fois le mari de ma soeur M et ses deux fils.
La traductrice me dit que la veille de l'émission, en zappant la télévision, mon beau-frère a reconnu mon nom et celui de mon père. Il a alors averti mes sœurs de regarder l'émission le lendemain matin. C'est ce "petit miracle" qui m'a permis de retrouver ma famille car d'habitude mes sœurs ne regardent jamais cette émission.
16-22 août:
- J'ai revu l'école et l'église que je fréquentais. L'école avait très peu changé et l'intérieur de l'église était exactement comme il l'était 27 ans passés.
- Une journée aux cimetières de mes parents avec ma sœur aînée, son mari, ma soeur M et l'un de ses fils.
- Au retour du cimetière, ma tante de 80 ans (grande sœur de ma mère) nous attendait chez sœur aînée. Ma tante habite sur une île au sud de la Corée et lorsqu'elle m'avait vue à la télé, elle avait décidé de prendre l'avion pour me voir. Même si je ne l'avais vue que deux fois dans ma vie, je ne l'avais jamais oubliée. C'était merveilleux: mon neveu (de trois ans mon cadet) et ma nièce (qui n'était qu'un bébé naissant lorsque je l'avais vue la dernière fois) étaient là aussi. Mes cousines, les filles de ma tante, nous ont rejoints pour la réunion.
À l'arrivée de mon petit cousin, je me suis dit que j'avais une grande famille en Corée, une famille ayant le même sang que le mien .
Je garde les autres détails pour moi.
23 août:
À l'aéroport. Je ressentais exactement ce que j'avais ressenti à 9 ans le jour de mon départ vers un pays inconnu: la peur, l'angoisse, l'énervement, l'excitation... et aujourd'hui, je ressentais une douleur insupportable. Je n'avais pas envie de quitter la Corée mais je n'avais pas d'autre choix. J'étais rendue une Québécoise depuis plusieurs années et ma place était désormais au Québec.
Ma sœur aînée et mon neveu étaient à l'aéroport. Ma sœur, par l'intermédiaire de mon neveu, disait que je ne serais plus jamais seule parce que j'avais une famille en Corée....
Les relations se sont naturellement brisées quelques semaines après mon retour. Barrière de langue, barrière de culture, barrière de plusieurs années de séparation,..., c'est le résultat de l'adoption internationale.
Pour chaque famille créée par l'adoption, une autre famille a été déchirée!