8 janv. 2010

L'adoption est un trafic d'enfants légalisé

Traduit de l'article original en néerlandais Adoption ist legalisierter Kinderhandel, publié sur le site Trouv, le 22 décembre 2009.

L'adoption est un trafic d'enfants légalisé, disent Roelie Post et Arun Dohle. Ils ont fondé ensemble Against Child Trafficking. Si c'était à eux d'en décider, l'adoption internationale disparaitrait dans cinq ans.

Sur le mur de leur bureau à Bruxelles, pend une grande carte du monde avec des points verts, rouges et bleus. Vert pour les pays ouverts à l'adoption, rouge pour les pays qui ont fermé les portes. Et les bleus représentent les régions que Roelie Post (49) et Arun Dohle (36) ont examinés jusqu'ici: le Malawi, l'Éthiopie, la Chine, le Pérou et l'Inde.

Leur but est un "monde rouge": dans cinq ans, l'adoption internationale doit être arrêtée. Parce que selon eux, c'est un "commerce d'enfants légalisé" où les enfants vulnérables sont échangés contre de grosses sommes d'argent. Leur description de l'adoption a des caractéristiques du roman de John Le Carré: des bébés volés, des commerçants peu scrupuleux, des directeurs d'orphelinats frauduleux et des dossiers d'adoption forgés. C'est la règle, disent-ils.

Pour rendre ce "commerce" visible et le réduire à néant, Post et Dohle ont fondé ensemble, Against Child Trafficking (ACT). Dans leur bureau, situé au sous-sol de Post, les deux font de longues journées: Le téléphone sonne la nuit, même à trois heures.

Les chercheurs ont recueilli des informations sur les cas d'adoptions mauvaises ou douteuses, y compris par l'Internet. Leur base de données croît de jour en jour: "Nous parlons avec des parents adoptifs, des adoptés, des avocats et des professeurs de partout dans le monde." Quand ils tombent sur une affaire d'enfants enlevés ou d'autres cas douteux, ils en informent les agences d'adoption et les ministères.

Cela les rend impopulaires dans les milieux de l'adoption. Bertie Grieve, directrice de Stichting Kind en Toekomst, pousse un soupir en entendant les noms de "Dohle" et "Post". "Nous sommes énormément pour les adoptions éthiques", dit-elle. "Ces gens cherchent le mal. Je trouve malheureux qu'ils assument que les agences d'adoption agissent sur une base aléatoire."

En revanche, Post et Dohle ont peu d'estime pour la plupart des agences qui coopèrent dans un système malade et corrompu selon leur expérience. La plupart des gouvernements sont également négatifs, parce qu'ils succombent sous le puissant lobby des (futurs) parents adoptifs. Le désir d'enfants les mène, disent les deux, et non les intérêts de l'enfant.

Ils mènent leur lutte de guérilla contre ces forces puissantes. Post travaille sur les politiques et les droits des enfants, tandis que Dohle est le chercheur sur le terrain. Il voyage régulièrement en avion avec une valise pleine de documents, par exemple pour l'Ethiopie ou pour l'Inde, pour vérifier les origines des adoptés. Pas selon la "méthode Spoorloos", dit Post. "Ce programme de télévision ramène les parents biologiques et adoptifs ensemble et c'est tout. Alors que nous pensons que la justice doit prévaloir."

Dohle a été directement impliqué à certains des incidents récents très médiatisés. Il a travaillé sur le documentaire de Netwerk à propos de "Rahul", le garçon qui a été volé de ses parents indiens à l'âge de dix-huit mois, et possiblement adopté par une famille néerlandaise. Dohle a amené les parents biologiques en contact avec un avocat, qui depuis des années, demandent aux parents adoptifs néerlandais un test d'ADN, jusqu'ici sans succès.

Dohle et Post, en collaboration avec une organisation locale des droits de l'homme, a également contrecarré l'adoption par Madonna. La Cour du Malawi a refusé la procédure d'adoption de Chifundo "Mercy" James en premier, parce que Madonna n'est pas une résidente du Malawi, comme exige la loi. Le juge a basé sa décision sur les connaissances fournies par Dohle. En deuxième instance, la méga star américaine pouvait éventuellement obtenir la jeune fille. Post se lamente: "C'est ainsi que l'adoption fonctionne. Ça se résume tout à l'argent, l'argent, l'argent."

Puis il y a eu la révélation récente de l'agence d'adoption Wereldkinderen, que les "orphelins" éthiopiens adoptés par les parents néerlandais, ont des parents éthiopiens qui sont encore bien vivants. L'agence a fondé ses conclusions sur une étude réalisée par l'ACT. En conséquence, Wereldkinderen a temporairement arrêté les adoptions de l'Éthiopie.

L'indignation de Dohle et de Post est grande, leur position claire: L'adoption internationale n'est pas un "dernier recours" pour les enfants dans le besoin, mais un marché lucratif qui sert involontairement les couples sans enfant. L'adoption a peu à voir avec la "protection des enfants", disent-ils. Ceux qui veulent vraiment aider, devraient investir dans une protection de l'enfance locale, et aider les parents pauvres afin de prévenir l'abandon des enfants.

Les cas récents de trafic d'enfants pour l'adoption ne sont pas des incidents isolés, affirment-ils. Mais, peuvent-ils le prouver?

Oui, disent Post et Dohle. Ils ont jusqu'à présent enquêté plus de cent cas d'adoption et ont constaté des irrégularités dans tous les cas, allant de l'enlèvement des enfants à de faux documents, pour lesquels les juges locaux ont approuvé les adoptions. "C'est un crime de tromper le tribunal."

Et parfois les documents sont corrects, mais les mères ne savaient pas ce qu'elles signaient. Dohle dit: "Elles ne comprennent pas ce que cela signifie de renoncer à leurs droits parentaux. Elles pensent qu'elles pourront ravoir leurs enfants dans leurs bras, quand ils atteindront 18 ans."

Mais plus d'une centaine de mauvais cas ne montrent pas que les autres, environ 36.000 adoptions internationales par année, ne sont pas bien faites. Ils ne fournissent pas de preuves de corruption et de criminalité généralisées. Post soupire profondément à cette conclusion: "Quelle autre preuve avez-vous besoin?" Elle appelle cela tourner le monde à l'envers: "Les agences d'adoption devraient fournir la preuve que leurs adoptions sont éthiques. Mais elles ne le peuvent pas et ne le feront pas. Ces agences sont inactives, elles n'interviennent pas. Leurs dossiers sont souvent si vagues que vous ne voudriez pas acheter de voiture d'occasion en se basant dessus."

Mais un dossier en désordre n'indique pas encore un trafic d'enfants ou une adoption contraire à l'éthique. Post: "Le plus gros problème est que les parents envisagent de renoncer à leur enfant, par exemple parce qu'ils n'ont pas d'argent pour la nourriture quotidienne, ne reçoivent généralement pas d'aide alternative. Aucune coaching, aucun prêt, pas d'autres recours que l'abandon et l'adoption. Les agences d'adoption ont toutes sortes de projets d'aide, mais qui sont destinés à d'autres familles, non pour les parents potentiels qui renonceraient. "

Dohle et Post ne sont-ils pas convaincus du mal par leur perception obscurcie? "Si seulement c'était vrai", dit Post. "Nous ne sommes pas contre l'adoption, mais contre le trafic d'enfants. Malheureusement, ces deux ne peuvent pas être distingués l'un de l'autre."


Qui sont les combattants de l'adoption?

Roelie Post a acquis ses connaissances sur l'adoption en Roumanie, où elle a travaillé pendant plusieurs années pour la Commission européenne. Elle a vu les orphelinats surpeuplés et les agences d'adoption étrangères agressives opérer le "trafic d'enfants légalisé". "L'offre était créée afin de correspondre à la forte demande," dit Post. Dans son livre "Romania. For export only. The untold story of the Romanian orphans" (2007) , elle rapporte sur ses expériences.

En collaboration avec les autorités roumaines et la Commission européenne, ils ont fermé les grands orphelinats et mis en place un système de protection d'enfants qui prend soin des enfants roumains dans leur propre pays. Mais un lobby actif a continué à faire pression pour "l'exportation" des enfants roumains, auquel Post oppose fortement.

Ce lobby rendait son travail pour la Commission européenne impossible, dit Post. Elle a finalement été appuyée par Against Child Trafficking (ACT), une organisation qu'elle a fondée elle-même. "J'ai vu des enfants se faire happer par le système, au lieu de les aider", dit-elle. "Je dois partager mes connaissances sur l'adoption, c'est de ma responsabilité sociale. Personne d'autre ne se présente pour ces enfants."

Post a trouvé une aide: Arun Dohle, un Indien qui a été adopté par une famille allemande. Dohle a fait des années de recherches sur ses propres racines en Inde. Il soupçonne qu'il est un enfant illégitime d'un membre de la célèbre famille Pawar. Dohle a demandé devant le tribunal de Bombay que l'identité de sa mère soit révélée, mais le cas jusqu'à présent est entravé par "le pouvoir de la famille". Sa quête est devenue un véritable battage médiatique indien. "Fils de Pawar veut savoir qui est sa mère", titrait la presse.

"J'ai découvert que mon adoption est une merde totale, la paperasse n'est qu'un tas de mensonges", affirme Dohle. "Nulle part dans mon dossier, ne se trouve une renonciation des droits parentaux signée par ma mère. Je pense qu'ils m'ont enlevé à elle sous la contrainte." Dohle a également examiné une centaine de dossiers d'adoption d'autres adoptés qui contienent tous des irrégularités selon lui.

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