4 juin 2010

Quand on a fermé les "baby shops" en Roumanie

Traduit de l'article, Cuando cerraron los “baby shops” de Rumania, publié sur le site periodismohumano, le 31 mai 2010.

Quand on a fermé les «baby shops» en Roumanie


«Il y a eu des moments où nous avons tenu compte plus des intérêts des parents que de ceux des enfants»

«La Fondation Irene, la sociétaire roumaine de l'Agence espagnole ADECOP, était la meilleure dans le maniement de la corruption»

«Si les États-Unis avaient réussi à obtenir des exceptions sur l'interdiction des adoptions internationales en Roumanie, nous aurions voulu un traitement égalitaire.»

«Monsieur le délégué, je tiens à souligner et à préciser, même si je sais que pas tout le monde aime entendre ceci, qu'entre la protection d'un enfant roumain et le désir des parents originaires des pays où l'adoption est devenue une mode, nous opterons toujours pour le premier», répondait l'Allemand Günter Verheugen, alors commissaire à l'Élargissement, à la question posée le 12 mars 2002, par l'eurodéputé espagnol José Maria Gil Robles lors d'une réunion de l'organisme de contrôle communautaire.

Dans une interview accordée à la télévision publique allemande, Verheugen décrira plus tard cette époque comme étant l'une des plus difficiles de sa carrière politique. Étant donné les graves allégations de pratiques illégales et de trafic d'enfants, la Commission avait obligé la Roumanie à suspendre les adoptions internationales si elle voulait faire partie du groupe des États d'Europe de l'Est qui allaient se joindre à l'UE dans les années suivantes. 1200 familles espagnoles attendaient pour pouvoir adopter un enfant roumain quand Bucarest a interdit l'envoi d'enfants à l'étranger: 1.200 familles qui avaient déjà déboursé d'importantes sommes d'argent pour que des agences comme ADECOPA entament les démarches et qui, bientôt, étaient frustrées.

Le commissaire à l'Élargissement n'a jamais nommé ouvertement l'Espagne en parlant des pays où l'adoption s'était transformée en une mode, mais c'était le cas en question. En une décennie, l'Espagne a passé d'un état dans lequel cette pratique était à peine pertinente pour devenir le quatrième bénéficiaire des enfants adoptés dans le monde, derrière les États-Unis, la France et l'Italie, un poste qu'elle occupe encore aujourd'hui.

«Je dois reconnaître que, pas dans tous les cas, mais il y avait une mode d'une certaine façon . Nous, les Espagnols, sommes ainsi: lorsque nous nous intéressons à quelque chose, personne ne peut nous arrêter», explique aujourd'hui Javier Alvarez Osorio , coordinateur général de CORA, une association représentant une bonne partie des parents adoptifs espagnols. En octobre 2001, seulement trois mois après l'arrêt des adoptions de la Roumanie, CORA a envoyé une lettre au Premier ministre espagnol à l'époque, Jose Maria Aznar, à plusieurs ministres et au député européen, José María Gil Robles, lui demandant d'intervenir en faveur des familles qui avaient «offert d'adopter un enfant» de la Roumanie.

«À cette époque, notre organisation avait un an. Depuis lors, nous avons beaucoup évolué, nous avons changé dans beaucoup de choses. Il y a eu des moments où nous avons tenu compte plus des intérêts des parents que ceux des enfants. Maintenant, nous essayons que le bien-être de l'enfant passe en premier», raconte Álvarez, «et bien sûr, si aujourd'hui la Commission nous présentait des rapports dénonçant des irrégularités dans un pays, nous serions en faveur de la suspension des adoptions, de la même façon que nous avons demandé d'arrêter l'arrivée des enfants de l'Éthiopie parce qu'il s'agit clairement d'adoptions alimentées par la pauvreté. En Éthiopie, les enfants ne sont pas donnés en adoption parce que leurs parents ou leur parenté ne veulent pas d'eux, mais parce qu'ils n'ont pas les moyens de les garder, et cela ne peut être accepté.»

Les adoptions internationales ont commencé à la fin des années 60 comme un moyen de sortie pour les milliers d'orphelins qui avaient été générés par de longs conflits dévastateurs comme la Guerre du Vietnam. Aujourd'hui c'est, il n'es pas rare, une affaire rentable dont quelques agences bénéficient. Les couples, poussés par le désir d'être parents, sont souvent prêts à faire tous les efforts financiers nécessaires et parfois à ignorer les principes moraux les plus élémentaires : la seule façon qui expliquerait les catalogues avec des enfants roumains « à choisir» (comme Verheugen a dit avoir vu de ses propres yeux) ou les orphelinats en Roumanie qui offraient aux visiteurs étrangers la possibilité de choisir entre leurs enfants (comme le décrit Javier Sampedro dans un article publié par El País en 1996), sans lever de soupçons généralisés.

Si vous voulez faire une bonne action pour les enfants pauvres, les ONG le soulignent, les 10 000 à 30 000 euros que peut coûter une adoption internationale seraient mieux investis dans des programmes qui permettent à ces enfants de grandir dans leurs pays d'origine, en aidant leurs parents biologiques à les nourrir ou leur donnant accès à l'éducation: des programmes qui bénéficient à plus qu'un petit sans rompre leurs liens. «Nous disons à ceux qui nous consultent, «il y a des enfants dans le tiers monde qui ont besoin de beaucoup de choses, mais ce dont précisément ils n'ont pas besoinm c' est une famille», dit M. Alvarez.

Cependant, ce n'est pas tout le monde qui changé de perspectives comme CORA l'a fait. L'agence ADECOP qualifie actuellement l'Éthiopie de pays qui offre de bonnes garanties pour l'adoption, et José Marie Gil Robles considère toujours que ses demandes réitérées pour que la Roumanie accepte de livrer des enfants aux couples espagnoles sont correctes, même si cela risque de fournir une couverture aux enlèvements et achats d'enfants et aux mensonges faits aux parents biologiques.

«Les parents ne voulaient pas de ces petits», dit Gil Robles, la suspension des adoptions était simplement un motif politique: le président roumain a même dit à plusieurs reprises qu'il ne voulait pas que des enfants partent à l'étranger parce qu'il avait besoin d'eux pour sortir son pays de la pauvreté, un argument utilisé aujourd'hui aussi par des organisations comme Save the Children: Les enfants sont l'avenir et il y a des États qui, entre les adoptions et le sida, sont sans lendemain.

Dans la séance de contrôle de la Commission du 12 mars 2002, Gil Robles a demandé à Günter Verheugen ce que faisait l'organisme européen pour résoudre le cas des adoptions roumaines et pour «les familles communautaires» qui avaient déjà «déboursé des sommes élevées d'argent». La pression politique avait pris effet aux États-Unis qui, s'associant aux demandes des parents adoptifs dans les négociations pour l'entrée de la Roumanie à l'OTAN, avaient obtenu que des exceptions soient faites au moratoire, «et nous voulions à ce sujet un traitement égalitaire», se souvient Gil Robles.

«Ce ne sont pas des adoptions; il s'agit clairement de trafic illégal d'enfants», assurait Antonio Ortiz, ambassadeur de l'Espagne à Bucarest, quand Javier Sampedro a écrit son article. La correspondante spéciale de la BBC désignait les orphelinats roumains de «baby shops», dans un reportage que la chaîne britannique a en partie enregistré avec une caméra cachée.

«Prouvez-moi qu'une seule des adoptions que nous avons traité en Roumanie a été illégale", dit un membre du ADECOPA, qui raccroche (le téléphone) sans laisser la possibilité de lui demander son nom. Roelie Post, directrice de l'ONG Against Child Trafficking, rit: «Bien sûr que les adoptions paraissent légales: il suffisait de payer le juge la commission correspondante pour obtenir le sceau nécessaire. Et la Fondation Irene, la sociétaire roumaine de l'ADECOPA, était la meilleure dans le maniement de la corruption.»

Ileana Bustea, la grande dame derrière la Fondation Irene, est tombée tôt dans le point de mire des autorités communautaires qui l'accusaient de toute une série de délits: des pots-de-vin, des intimidations, achat et vente d'enfants. Mais son organisation avait été légalement créée en suivant les principes établis dans la Convention de La Haye de 1993 pour la protection des enfants dans les adoptions internationales, la Roumanie étant l'un des premiers pays signataires.

«Les enfants sont ici. Amusez-vous», raconte Post Roelie, dans son livre Romania. For export only, c'est ce que son prédécesseur lui avait dit quand elle avait commencé à travailler pour le commissaire Verheugen. Post travaillait à la Commission européenne depuis 1983, ce qui fait que cette Néerlandaise compte parmi les membres les plus anciens. C'est par accident qu'elle a eu à travailler sur le problème de trafic d'enfants. «Au début, tout le monde était enchanté par mon travail. «Que c'est, Roelie, c'est intéressant», me disaient-ils. Ensuite, la Roumanie a mis fin à l'adoption internationale et à partir de là, mon travail a cessé d'être si excellent pour certains.»

À la fin 2004, Verheugen a changé de l'Élargissement pour la vice-présidence de la Commission, et peu après Post a dû faire face elle-même aux conséquences d'avoir trop creusé dans certaines questions: les intimidations sont arrivées en premier, puis finalement, l'expulsion de l'organisme communautaire. Aujourd'hui, elle continue avec son travail à partir d'une autre instance, «mais la Commission continue de payer mon salaire. Je suis un membre du personnel et, comme je n'ai rien fait de mal, on ne peut pas me renvoyer», explique-t-elle, «le mien est un cas étrange, sûrement unique.»
Extrait des pages d'ouverture de Romania. For export only

De: Roelie

À: Mariela

Date: Samedi, 30 juin 2001, 11:30

Sujet: Matinée forum des enfants

Le petit-déjeuner a été la scène d'une intéressante conversation avec ma fille Anne-Catherine, et deux de ses amis. Les filles disaient que les parents doivent avoir des rapports sexuels pour avoir des enfants (comme tous les enfants, il leur semblait incroyable que les parents puissent faire quelque chose comme ça). Une des filles a dit que les relations sexuelles n'étaient pas toujours nécessaires parce que les parents pouvaient aussi adopter un enfant d'un autre pays.

Je leur ai demandé d'imaginer qu'elles étaient les filles de parents très pauvres dans un pays lointain avec une culture différente et une langue différente, et qu'elles avaient beaucoup de frères et sœurs. Et puis je leur ai demandé de réfléchir à savoir si elles aimeraient être adoptées par des gens riches, des gens aimants, capables de leur donner une bonne vie. J'ai donné aux filles les données de base, en faisant attention de ne pas les influencer.

Leur première réaction a été qu'elles aimeraient beaucoup être adoptées. Mais notre conversation s'est poursuivie, et à la fin, elles ont fini par décider que sans aucun doute, rien n'était aussi important que de rester avec sa propre famille. Elles m'ont demandé si elles ne pourraient pas emmener leurs familles avec elles à la maison des gens riches. Je leur ai expliqué que les pays riches ne veulent pas des gens pauvres des autres pays, mais seulement leurs enfants pour les aimer et prendre soin d'eux.

Elles m'ont demandé pourquoi leurs familles pauvres voudraient les donner en adoption. Je leur ai expliqué que parfois les parents/mères croient que c'est le mieux pour ses enfants et qu'il y avait aussi beaucoup d'argent impliqué (dont les parents ne profitaient pas nécessairement). Elles m'ont demandé si leur opinion serait tenue en compte, je leur ai répondu: «pas si vous avez moins de 10 ans». Étant âgées de neuf ans, cela les a indignées.

Elles m'ont dit que les riches devraient donner de l'argent aux familles pauvres pour qu'elles puissent prendre soin de leurs enfants.

C'était donc la conclusion du mini-forum d'enfants hollandais, qui s'est tenu au sommet du petit-déjeuner, le samedi.

Roelie

2 commentaires:

GREG a dit…

¡¡¡ Buena traducción querida Myung-Sook !!!

L'Espagne... 4ème en valeur absolue... et 1ère relativement à sa population. Il y a bien une mode de l'adoption internationale chez mes "frères de sang".

Bon article encore.

J'ai fort apprécié le mini-forum d'enfants au petit-déjeuner.

Comme tu sais je soutiens deux foyer d'accueil d'enfants, au Sri-Lanka, où des Européens parrainent des enfants dont l'immense majorité a des parents plus ou moins proches... Nombre d'enfants placés là il y a quelques années se retrouvent maintenant dans leurs familles où on continue à les parrainer... On arrive à faire çà avec 15 euros par mois et par enfant.

Un petit aperçu là: http://sponsor-srl.blogspot.com/2009/12/enfants-parraines-chez-leur-mere.html

Dans ces structures les enfants se retrouvent dans de véritables lieux de vie au sein de la communauté. Non, ils ne sont pas comme isolés dans des salles d'attente qu'on présente souvent comme des "orphelinats"...

Besos.

AdoptionSearch a dit…

Gracias Greg!

J'allais justement t'écrire pour te demander de corriger. J'ai utilisé Google translate, mais comme ça ne donne pas toujours de bons résultats, j'ai dû me forcer les méninges.
Depuis que je te connais, j'ai le goût de réapprendre l'espagnol.

Besos.