29 juin 2010

Adoption éthiopienne: pour le commerce ou la charité?

Traduit de l'article Ethiopia: U.S. Families Adoption of Children, for Trade or Charity? paru sur le site Daily Indenpendent, le 3 juillet 2010.

«L'adoption est en en train de devenir la nouvelle industrie d'exportation pour notre pays. Les experts avec qui j'ai parlé sont d'avis que ça pourrait dépasser le café en tant qu'industrie d'exportation majeure...»

Tels étaient les mots d'Ellene Moria, qui dirige un programme de femmes dans une station de radio locale en Éthiopie. Ils étaient chargés d'émotion acrimonieuse que de nombreux historiens et commentateurs sociaux n'ont jamais saisi avec le commerce historique d'êtres humains pendant les traites négrières. Par conséquent, comment peut-on imaginer l'idée derrière certaines des annonces affichées par les diverses agences d'adoption en Éthiopie sur leurs sites web? Sans vouloir le dire, cela rappelle les souvenirs des traites négrières. Prenez par exemple l'une des annonces que j'ai vues sur un des sites qui se lisait ainsi:

«Agernesh, une jeune fille pleine d'entrain, mince et le sourire facile, a passé ses huit premières années dans un petit village rural au sud de l'Éthiopie... Il y a des groupes de fratries, aussi bien que des enfants uniques. La majorité des jeunes ont entre cinq et sept ans. Tous sont fondamentalement en santé, physiquement et émotionnellement... Ils apprennent à se tenir à table à la façon des occidentaux et la façon de manger avec un couteau et une fourchette... Les enfants ont des tâches ménagères et apprennent que dans les familles américaines, ils seront appelés à aider à la cuisine, avec le nettoyage et le lavage.»

Cependant la manière dont les enfants sont adoptés en Éthiopie va au-delà du commerce ou du trafic des êtres humains. Tout dépend à quelle distance vous tenez le miroir de la société. Vous pouvez soit regarder les implications socio-économiques, psychologiques et politiques de cela des individus et du gouvernement ou tout simplement vous accrocher à la question du commerce.

Il est très rare de voir une mère dans la société africaine renoncer à son enfant pour l'adoption, même face à la famine. On ne peut pas en dire autant de l'Éthiopie aujourd'hui. Ce n'est pas encore clair si les mères des enfants donnés en adoption se font jamais payer, étant donnée la façon dont le gouvernement éthiopien et ses diverses agences d'adoption gèrent l'affaire, et le fait que certains groupes de protection de l'enfance du pays affirment que, sur une population d'environ 70 millions de personnes, il y a plus de cinq millions d'orphelins qui ont perdu leurs parents à cause de la famine, de la guerre et le VIH/SIDA.

En cohérence avec cela, un rapport récent de l'UNICEF déclare que plus de 4,5 millions d'enfants éthiopiens sont orphelins à cause de la pauvreté et de la maladie. Cela signifie que plus d'un enfant sur 10 sont orphelins. En outre, le taux de mortalité maternelle pour les femmes enceintes est très élevé, une femme sur 14 mourra en couches.

Plus encore, il y a des cas de femmes qui renoncent à leurs enfants pour l'adoption à cause de leur incapacité de pouvoir à leurs besoins face aux difficultés économiques alarmantes dans le pays. Nécessitant ainsi la création de programmes d'adoption par le gouvernement en collaboration avec les différentes maisons d'enfants sans mère dans le pays, puisque le gouvernement seul ne peut pas pourvoir aux orphelins. Dans un pays qui a un budget de santé annuel de 140 millions de dollars américains; un petit montant par rapport à un montant stupéfiant estimé à 115 millions de dollars américains pour l'entretien des orphelins dans un mois.

Peut-être, comme une mesure palliative pour amortir l'effet socio-économique de ce malaise dans le pays, le gouvernement a simplifié le processus pour rendre l'adoption des enfants éthiopiens par les familles de l'Ouest plus facile. Résultant ainsi en une forte augmentation du nombre d'adoptions étrangères enregistrées en 2003. Les 1 400 enfants pris pour l'adoption par les familles des États-Unis a doublé le chiffre de 2002.

Avec certaines familles des États-Unis prêtes à payer plus de 25 000 dollars américains pour adopter un enfant éthiopien, le commerce d'enfants est certainement plus lucratif que la culture du café. L'argent provenant de ce commerce ne sort presque jamais des coffres à la fois du gouvernement et des différentes agences d'adoption/maisons pour enfants sans mère, puisque qu'on dit que la plupart des enfants sont des orphelins. On pourrait dire que ces intrigues de business expliquent les larmes dans la voix d'Ellene Moria quand elle a prononcé ces mots cités ci-dessus

Il ne fait aucun doute que la famine et le désir d'essayer de vivoter et la subsistance des activités du gouvernement en Éthiopie ont mis en danger la vie de la plupart des enfants éthiopiens. Cela a également conduit à la traumatisation des femmes et des mères qui sont le plus souvent aussi jeunes que les bébés qu'elles font.

Une récente émission d'Oprah Winfrey qui se portait sur le sort des femmes éthiopiennes a saisi les situations difficiles des jeunes filles, ou devrais-je plutôt dire des enfants de 9 à 14 ans, soumises à des grossesses précoces. L'émission a révélé certaines de ses répercussions sur la santé de ces jeunes mères ou mieux des mères encore enfants. Beaucoup d'entre elles avaient contracté la FVV.

Dans un pays où un cent dollars pourrait faire ou acheter autant pour l'individu et la famille, combien de familles pauvres ne renonceraient pas à leurs enfants pour l'adoption dans l'espoir d'obtenir 25 000 dollars américains que les agences d'adoptions aux étrangers offrent pour certains de ces bébés?

Et quand cela arrive, ces filles-mères ne sont pas seulement ostracisées et mises à part dans les chaînes parfois, dans les chambres mais sont parfois jetées dans la forêt à la merci des hyènes ,afin d'éviter l'odeur terrible qui suinte d'elles. Plus encore, on dit que non seulement certaines de ces filles-mères finissent avec des bébés morts-nés, mais aussi avec les hanches disloquées. À la suite de la période d'accouchement souvent prolongée, qui s'étire parfois de 9 à 12 jours, selon l'émission.

Avec ces images et histoires horribles, je me suis demandé ce que le gouvernement éthiopien et ses diverses agences d'adoption font à ce sujet. Se pourrait-il qu'ils ne soient pas conscients du grand nombre de cas de grossesses chez les adolescentes et les décès enregistrés chaque jour? Pourquoi un gouvernement ou un parent devraient-ils regarder alors que leurs enfants sont transformées en mères à l'âge tendre de neuf ans? Est-ce que cela explique le chiffre colossal de plus de cinq millions d'orphelins en Éthiopie? Tout comme le labourage de la terre par tous les moyens mécaniques disponibles pour une récolte abondante de café pour le commerce extérieur, les jeunes filles ou, mieux encore les enfants, semblent avoir été soumises à l'épreuve de produire plus de bébés pour les agences qui choisissent d'ignorer ces activités inhumaines envers les enfants éthiopiens à cause de la nature lucrative de l'adoption de bébés par des familles américaines qui patronnent le marché de l'adoption.

Est-il même plausible de dire que les énormes revenus de l'adoption pourraient être responsables de la situation critique des femmes et des enfants en Éthiopie? Dans un pays où un cent dollars pourrait faire ou acheter autant pour l'individu et la famille, combien de familles pauvres ne renonceraient pas à leurs enfants pour l'adoption dans l'espoir d'obtenir 25 000 dollars américains que les agences d'adoptions aux étrangers offrent pour certains de ces bébés? Est-ce que ces maisons pour enfants sans mère/agences d'adoption raniment ces jeunes filles infestées par la FVV, dans l'apparence de l'amour et de la charité, pour une exploitation ultérieure? Il se passe tellement de choses là-bas avec peu ou pas de réponses.

Aussi méprisable que cette transaction puisse être, et dans mon effort d'être aussi objectif que je peux l'être dans ma colère et mes larmes, regardez l'autre côté de l'affaire avant de critiquer des individus ou des agences gouvernementales impliquées dans l'affaire. Comment pouvez-vous décrire une question si nébuleuse dans l'esprit des personnes qui l'ont introduit en premier lieu? Quoique les auteurs de ce commerce ne soient pas anonymes, les critiques contre eux sont difficiles à trouver. Pourrait-il y avoir une certaine forme de justification pour leur action, compte tenu du fait que ces enfants n'auraient pas eu à anticiper une bonne vie en Éthiopie comparée à ce qui les attend aux États-Unis?

À part de cela, comment le gouvernement peut-il pourvoir à un si grand nombre d'enfants avec le peu de ressources à sa disposition? Comment les jeunes mères peuvent-elles faire face à la tentation donner leurs enfants face à la misère indicible du pays?

Que peut-on dire à propos de cette situation fascinante d'une rencontre entre Fari, une dame éthiopienne et un touriste, saisie à la page 20 de l'édition du 8 au 14 avril 2006 du journal, Weekly Trust Newspaper? Fari dit que son mari est décédé il y a deux ans, laissant sa petite famille vivoter dans la rue. Elle s'est en outre lamenté lugubrement: «Mon enfant a besoin de quelque chose de mieux dans la vie. Quelque chose que je ne peux pas lui donner», quand elle a remarqué la joie et la gratitude dans les yeux de son fils quand il a reçu un jouet en plastique rouge qu'un touriste lui a donné. Les lamentations de Fari ne devraient pas être considérées comme un échec d'une mère. Peut-être, une mère prise au piège et fauchée dans une situation difficile qui causée par de nombreuses guerres civiles éthiopiennes et la mauvaise gestion au fil du temps.

Une autre question délicate est de savoir comment situer l'action de certaines familles américaines qui patronnent cette entreprise. Surtout quand certains d'entre eux affirment l'avoir fait par sympathie et charité pour les enfants sans défense et sans espoir, dont ils ont appris leurs situations désespérées par les annonces qui les projettent comme des enfants étant dans un besoin urgent de soins parentaux?

Ugboaja, l'auteur de cet article, est un conseiller aux admissions de l'American University du Nigeria - AUN, Yola.

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