21 mars 2008

L'industrie des poupées

Les poupées à vendre adopter.

Pour les personnes qui ont connu les années 1980, vous souvenez-vous des poupées Bout d'chou?

À cette époque, j'étais une adolescente et je n'en ai jamais possédée mais je me rappelle encore à quoi elles ressemblaient. Au Québec, à la fin de l'année 1983, on s'arrachait littéralement ces poupées, c'était le délire Bout d'chou. Même une compagne de ma classe en avait achetée une. Moi, je n'aimais pas ces poupées car je me sentais mal à l'aise quand j'en voyais une. "Laides et trop caricaturales" disais-je. Je n'ai jamais osé parler des vraies raisons pour lesquelles je n'aimais pas ces poupées, je n'ai même jamais osé y penser car en parler ou y penser auraient impliqué parler de mon adoption, un sujet que j'évitais.

>Aujourd'hui, 25 ans plus tard, je parle ici des raisons qui me rendaient mal à l'aise. Vendues pour une centaine de dollars, ces poupées venaient avec un certificat d'adoption, chacune étant soi-disant unique. Entendre parler de ces poupées me faisait penser que je n'étais pas mieux qu'une poupée sans âme, j'étais un produit acheté. Difficile d'oublier lorsque c'est la folie furieuse pour obtenir une poupée Bout d'chou mais je réussissais à oublier en niant mon mal, en disant tout simplement: "je n'aime pas ces poupées parce qu'elles sont trop caricaturales."
D'une part, j'avais besoin que quelqu'un qui me rassure en me disant que je n'étais pas une marchandise mais je n'en parlais pas; d'autre part, si quelqu'un me l'avait dit, je ne l'aurais pas cru car il y avait trop de similitudes entre la commercialisation de ces poupées et mon adoption.
  • Ces poupées étaient adoptées pour combler les besoins des enfants de jouer/J'avais été adoptée pour combler le besoin d'une femme de devenir mère et le besoin d'un homme de refaire une vie de famille avec une deuxième épouse
  • Ça prenait une centaine de dollars pour obtenir une poupée/ mes parents adoptifs m'avaient obtenue pour quelques milles.
  • Les enfants devenaient les mamans de ces poupées en signant des papiers d'adoptions/ deux étrangers étaient devenus mes parents en signant des paperasseries.
Où était la différence sinon dans le prix de la vente?
Les poupées Bout d'chou (dont le nom original est Cabage Patch Kids) sont nées aux États-Unis. Bien qu'elles ne soient plus aussi à la mode que dans les années 80, on les adopte encore de nos jours pour les collectionner.

Baby Land General Hospital est reconnu comme étant le lieu de naissance de ces poupées Bout d'chou. Le site de Baby Land General Hospital ressemble à un site d'une agence d'adoption. Ce lieu est un lieu réel que vous pouvez visiter mais il est aussi de possible de le visiter en ligne. Si vous vous y rendez, vous serez accueilli chaleureusement par le personnel du Baby Land General Hospital. Vous verrez Little People, ces bébés nés à la fin des années 70 et début des années 80, dans la salle d'attente des papas. Dans ces dernières années, certains des Little people qui avaient été adoptés pour des frais de 30$ à 40$ ont été ré-adoptés pour 25 000$. La salle d'attente des papas mène au corridor principal de l'hôpital. La première porte à sa droite mène à la pouponnière où la plupart des nouveau-nés y sont soignés en attendant d'être adoptés.


Passons à une autre industrie de poupées plus à la mode (aux États-Unis) et plus représentative de l'industrie de l'adoption.

Il y a trois mois, lorsque j'ai commencé m'informer sur l'internet à propos des adoptions, je suis tombée sur le site de NewBorn Nursery. Plus tard, en visitant le blog de Sang-Shil, j'ai été agréablement surprise de voir qu'elle en parlait dans Land of the Not-So-Calm. Son blog m'a menée aussi à celui de Persona Ingrata qui couvre ce sujet. Ne manquez pas de les lire si vous comprenez l'anglais.

New Born Adoption Nursery Center.

La Middle Town Company est une compagnie de poupées. Le tournant du siècle a conduit Middle Town Company dans une nouvelle direction avec NewBorn Nursery, celle de l'adoption des poupées.

Comme dans une adoption d'enfants, l'adoptant doit choisir quel bébé est celui qui lui convient le mieux. Vingt combinaisons de couleur de cheveux et des yeux sont disponibles pour le choix des parents adoptifs. (La mienne avait spécifié: fille, Vietnamienne (premier choix), Coréenne (2ième choix). Verbalement, elle avait aussi spécifié qu'elle voulait une enfant non sportive. Comme je ne faisais que ce que ma mère adoptive voulait de moi, elle était persuadée que l'agence d'adoption avait répondu à sa dernière requête. Ni l'orphelinat, ni l'agence d'adoption n'était en mesure de juger si j'allais devenir sportive ou artistique car les seules activités offertes à l'orphelinat étaient le chant. )

L'adoptant doit remplir un formulaire. (Mes parents adoptifs aussi ont rempli un formulaire.)


L'infirmière en devoir vérifie si l'adoptant a répondu à toutes les questions. (Mieux que beaucoup d'agence! Le personnel de la Holt n'avait même pas vérifié si mes parents étaient citoyens américains avant de m'expédier aux États-Unis. Holt n'avait même pas vérifié si je serais entre les mains d'un abuseur d'enfants)


On prend une photo de la nouvelle maman serrant son bébé adoptif pour la première fois. (Mes parents adoptifs passaient leurs temps à prendre des photos à mon arrivée. De nos jours, les fiers parents adoptifs mettent les vidéos de leurs bébés adoptifs sur YouTube. D'autres aussi mettent leurs photos sur des blogs.)


On laisse la nouvelle maman choisir un nom pour l'enfant adoptif. (Ces poupées sont mieux traitées que des enfants car la majorité des parents adoptifs changent le nom de leurs enfants adoptifs comme s'ils n'avaient aucun passé avant l'adoption.)



Certificat de naissance (Tout comme pour moi et pour la plupart des enfants adoptés, on fabrique une date de naissance. Au moins, pour les poupées, ce sera leurs premiers certificats de naissance.)

Choix des bébés par les adoptants.

Elna Baker raconte son histoire du temps où elle travaillait au magasin de jouets FAO Schwartz sur les ondes de This American Life (à env. 41 minutes). La narratrice raconte son expérience comme vendeuse ("l'infirmière") de ce magasin.


Un superviseur instruit le personnel de ne jamais utiliser les mots coût/achat/vente pendant "l'interview pour l'adoption". Les parents et leurs enfants passent devant les incubateurs en admirant les bébés. S'ils sont sérieux à propos de l'adoption, l'infirmière passe à l'interview avec le parent prospectif, habituellement une fille de 7 ans. Après quelques questions posées à la maman adoptive, on écrit le nom du bébé sur son bracelet, on écrit aussi sa date de naissance (habituellement la date du jour précédent) sur le certificat de naissance qu'on donne aux parents de la maman en leur disant qu'il ne reste qu'à payer les frais d'adoption.


Tous les bébés de race blanche ont été adoptés laissant de nombreuses rangées de bébés minoritaires non adoptés dans leurs incubateurs. "Où sont tous les bébés blancs?" aurait été la question d'une mère magasinant pour un bébé pour sa fille...
Après la vente des bébés blancs, la deuxième plus forte demande est pour les bébés asiatiques. Après le deuxième meilleur choix, s'ensuivent les bébés hispaniques et dernier choix, les bébés noirs. Ce qui est troublant est que entre les bébés afro-américains et un bébé blanc destiné à l'exposition seulement (à cause d'un défaut de manufacture), c'est le bébé blanc qui a été choisi en premier.

Reflet d'une réalité.

Cette industrie de poupées est sans conteste le reflet de l'industrie de l'adoption.

- La hiérachie de races existe aussi dans l'adoption

- Comme dans l'adoption, les "parents adoptifs" de ces bébés sont presque tous des caucasiens.

- Les certificats de naissance originaux sont absents et comme dans presque toutes les adoptions, les mères naturelles sont absentes.

Adoption étant devenue synonyme de vente, cette compagnie n'a pas tort d'obliger les employés à utiliser le mot "adoption" au lieu du mot "vente" pour décrire la transaction liée à ces poupées.

Dans Saks Newborn Nurse-What is the Message to the Little Girl? Laurie Frisch dit "Au fil du temps, l'industrie de l'adoption est devenue de plus en plus habile à former l'opinion publique afin d'obtenir des bébés et construire un marché. Impliquer de petites filles par un jeu de rôle via Newborn Nursery peut être la meilleure méthode pour le moment. Enseigner à de très jeunes enfants à refuser l'identité et l'héritage des adoptés assurera à faire continuer les violations des droits civils et humains. Nier toute reconnaissance de l'origine des "bébés adoptables" encourage la poursuite de l'exploitation des jeunes mères naïves et des familles pauvres. Enseigner aux enfants que les bébés sont plus spéciaux lorsqu'ils sont achetés que lorsqu'ils sont nés de vous, garantira à faire perpétuer l'industrie de l'adoption pour les marchés des bébés. Lorsqu'il y a un marché pour les bébés et les quelques vrais orphelins, se produit l'exploitation des jeunes mères naïves et des familles pauvres."

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