11 févr. 2010

Pourquoi l'adoption des enfants haïtiens est une très mauvaise idée, pour eux et pour nous

- Elizabeth Chin

Article original sur Statesman / 5 février 2010.

Le groupe de missionnaires baptistes qui ont essayé de prendre 33 enfants haïtiens à travers la frontière vers la République dominicaine sont loin d'être les seuls à tenter de «sauver» les enfants haïtiens à la suite du tremblement de terre. Même les travailleurs humanitaires (qui devraient savoir mieux) ont été surpris en train de se débrouiller pour mettre les enfants dans les avions à destination de, eh bien, n'importe où. La frustration abonde dans une crise comme celle-ci, un corps aussi lamentablement inefficace que le gouvernement haïtien insiste pour que les enfants ne quittent pas le pays sans documents nécessaires et la preuve d'adoption. Les gens clament que tous ces enfants devraient se faire adopter, et vite. Mais pas si vite. En fait, c'est une très mauvaise idée.

Même avant le tremblement de terre, Haïti était plein d'orphelinats, et ces orphelinats étaient pleins d'enfants. Simple, non? Pas vraiment. Sur de nombreux sites Web des orphelinats, si vous accédiez aux informations sur un enfant en particulier, vous trouviez une note qui disait à peu près ceci: «Cet enfant ne réside pas à l'orphelinat, mais si vous êtes intéressé à lui ou elle, nous pouvons fournir davantage d'informations.» Ce que cela veut dire est que, c'était un enfant dont la famille était si désespérément pauvre qu'ils étaient prêts à donner cet enfant. Même avant le tremblement de terre, la plupart des «orphelins» en Haïti, avaient des parents.

Quel genre de parent, demandez-vous peut-être, renoncerait à leur enfant si précieux? Pour répondre à cette question, vous devez comprendre le genre de pauvreté dans laquelle la grande majorité des Haïtiens eux-mêmes se trouvent. Nourrir ses enfants est une tâche ardue à travers la nation, que ce soit dans les villages ruraux ou dans les bidonvilles à flanc de coteau. Dans un pays où la nourriture n'est sensiblement pas moins chère qu'aux États-Unis, un Haïtien moyen vit sur moins de 500$ par année. Imaginez que vous êtes confrontés à ces deux options: regardez vos enfants mourir lentement de faim, ou les faire partir dans l'espoir qu'ils puissent survivre. Le Choix de Sophie? Les parents haïtiens le font tous les jours.

Le point est, si s'ils avaient vraiment le choix, la plupart des parents de ces «orphelins» choisiraient de les garder à la maison. En se précipitant à adopter ces enfants, nous participons à un cycle de violence qui déchire le cœur et l'âme de la société haïtienne, et se tient pour faire violence à nos cœurs et nos âmes aussi. Nous savons par l'expérience des enfants retirés du Vietnam dans l'Opération Babylift et plus récemment, les expériences de beaucoup d'adoptés coréens, que la vie meilleure imaginée pour eux aux États-Unis est souvent pleine de chagrin et d'ambivalence.

Trop souvent, ces enfants se sentent racialement "autres" dans les communautés qui donnent le message qu'être racialement "différent" est un problème à résoudre; quand ils ne sont pas «reconnaissants» pour leur nouvelle vie, ils sont humiliés ou écartés. Comme des milliers de ceux qui ont été adoptés plut tôt ont atteint l'âge adulte, un nombre significatif d'entre eux sont engagés dans l'activisme pour mettre fin à de telles adoptions et fournir des moyens aux familles biologiques de rester ensemble. Nous devons écouter ce que leur expérience nous dit.

Au lieu d'adopter, un don beaucoup plus grand serait de travailler vers le rétablissement de l'économie haïtienne, afin que les paysans puissent nourrir eux-mêmes leur famille et leur nation. Haïti a besoin de ses enfants.

Les enfants haïtiens, à leur tour, ont droit à leur langue maternelle, leur culture d'origine, et le plus important de tout, ils ont le droit de vivre parmi les gens qui les aiment profondément et intensément: leurs propres familles.

Adopter un enfant étranger coûte plus de 10 000$. Pensez à combien de familles pourraient rester intactes si cet argent était utilisé non pas pour démonter les familles, mais pour les garder ensemble.

Elizabeth Chin is professeure d'anthropologie au Occidental College, à Los Angeles. Elle a mené des travaux sur le terrain en Haïti depuis 1993.

1 commentaire:

ADPAH a dit…

Étant moi-même haïtienne d'origine et canadienne par adoption, je suis bouche-bée par cet article.

Il représente pour moi un soulagement devant tout une vie des plus rocambolesques.

Merci pour cet article

Bianca