11 févr. 2010

Repenser le consentement à l'adoption

Traduit de l'article anglais publié sur Korea Times, le 31 décembre 2009, Jennifer Kwon Dobbs, Jane Jeong Trenka et Tobias Hubinette.

Alors que les adoptions internationales vers les États-Unis ont atteint, en 2009, le bas niveau en 13 ans, la Corée du Sud se distingue comme étant le seul pays - à part l'Éthiopie - à avoir augmenté les adoptions internationales vers les États-Unis au cours de cette dernière année.

Avec la tendance internationale qui se tourne clairement vers des solutions domestiques et la préservation de la famille, on pourrait se demander pourquoi plus de 1080 bébés sont allés de la Corée du Sud aux États-Unis cette année, pour l'adoption.

La réponse réside dans les lois sur l'adoption de la Corée, qui sont en train d'être révisées par le Ministère de la Santé, des Affaires sociales et de la famille pour l'année écoulée. Le 29 décembre, le ministère a tenu sa dernière audience publique sur son projet de loi visant à réviser la Loi spéciale sur l'adoption qui régit les adoptions internationales.

Ces lois ont permis le plus ancien programme d'adoption internationale au monde ayant le plus longtemps fonctionné sans interruption au monde, d'envoyer jusqu'à 200 000 enfants à l'étranger.

Le fait que 89 pour cent des enfants adoptés à l'étranger soient nés de mères non mariées en 2008 est une indication que le système des agences d'adoption que la loi supervise, cible une certaine population pour répondre à la demande d'adoption.

Un point important sur lequel le gouvernement et les activistes s'accordent tous les deux, est la nécessité d'allonger la période de délibération au cours de laquelle il est illégal pour une mère d'abandonner son enfant pour adoption - actuellement, les mères pourraient abandonner un enfant alors qu'il est encore dans l'utérus.

Toutefois, les opinions des activistes et du ministère diffèrent grandement sur la quantité de temps que les mères ont besoin pour délibérer avant de prendre une décision qui affecte la vie pour elle-même, pour son bébé et pour les générations futures.

Alors que le projet de loi rédigé par les adoptés et les mères célibataires demandent 30 jours après la naissance pour les délibérations, le ministère propose 72 heures après la naissance pour l'adoption nationale, suivi d'une procédure judiciaire. Pour l'adoption internationale, aucune procédure judiciaire est nécessaire.

Les activistes sont en désaccord avec le ministère pour deux raisons: tout d'abord, le temps de 72 heures continuerait de donner une base juridique pour prioriser l'adoption nationale plutôt que la préservation de la famille. Deuxièmement, il n'y a rien dans le projet de loi qui modifie la façon dont les adoptions internationales sont effectuées.

Cela signifie qu'on donne encore priorité aux adoptions internationales par rapport à l'adoption nationale, qui est elle-même privilégiée par rapport à la préservation de la famille.

Cette hiérarchie est exactement le contraire des recommandations par les lois internationales sur la protection de l'enfance, qui indiquent que la préservation de la famille doit venir en premier, suivie par l'adoption nationale, et enfin l'adoption internationale en tant que dernier recours.

Alors que le ministère base ses idées sur le modèle américain, des meilleurs modèles pour un petit pays comme la Corée sont l'Allemagne, qui permet aux mères un minimum de huit semaines pour un seul enfant ou 12 semaines pour les jumeaux pour consentir, ou la Suède, où les mères peuvent prendre six semaines pour décider.

En Allemagne et en Suède, ainsi que de nombreux autres pays développés européens et en Australie, les abandons d'enfant pour l'adoption nationale sont rares car il existe néanmoins des protections juridiques et économiques pour les familles monoparentales.

Dans le passé, le ministère a fait valoir que les enfants devraient pouvoir être abandonnés immédiatement après la naissance, en soutenant que la sécurité de l'enfant pourrait être en danger.

Mais les mères qui se soucient vraiment de leurs bébés pour avoir séjourné dans une maison pour mères célibataires, disent que si une urgence médicale se produisait, elles feraient la même chose que n'importe quelle autre mère - appeler à l'aide.

Les enfants qui sont envoyés pour l'adoption proviennent presque toutes des maisons de mères célibataires, et de ces mères, 766 sur 1114 étaient âgées d'au moins 20 ans, en 2008. Nous pouvons raisonnablement supposer que les mères qui sont allées à des refuges ou qui ont dépassé l'âge de 20 ans sont capables de faire un appel téléphonique d'urgence.

Le sujet de l'abandon d'un enfant pour adoption est un sujet grave et qui bouleverse la vie. Les mères doivent avoir des conseils adéquats et le temps de délibérer avant que leur relation légale à leur enfant soit rompue. Même 72 heures n'est pas suffisant.

Lors d'une autre audience publique sur la loi spéciale sur l'adoption, tenue le 10 novembre à l'Assemblée nationale et parrainée par la Rep. Choi Young-Hee du parti d'opposition Democratic Party (DP), Kwon Hee-jung du Korean Unwed Mothers Support Networkde a dit qu'une mère qui était venue à son groupe voulait ravoir son enfant après avoir rapidement consenti à l'adoption.

Même si elle a finalement pu ravoir son bébé, l'agence d'adoption l'a forcée à payer une forte somme d'argent avant de redonner l'enfant. La somme était si importante qu'elle ne possédait pas assez d'argent. Elle a demandé de payer par carte de crédit, mais l'agence a exigé en espèces. Une levée de fonds a été faite entre amis, et enfin le bébé a pu rentrer chez elle.

Malheureusement, les histoires comme celles-ci ne sont que trop communes dans la communauté d'adoption. Tant qu'on ne donne pas suffisamment de temps aux mères pour délibérer, tant qu'elles subissent des pressions ou sont contraintes par les agences d'adoption et leurs vastes réseaux d'hôpitaux et les maisons de mères célibataires, il est impossible pour les mères de prendre des décisions pleinement informées pour elle et son bébé.

Les droits parentaux ne devraient pas être coupés à partir d'un lit d'hôpital, d'une agence d'adoption privatisée, ou d'une maison de mères célibataires qui sert de source d'approvisionnement pour les agences d'adoption internationale.

La Corée devrait écrire ses lois sur l'adoption afin de répondre aux normes les plus élevées, et elle ne devrait pas prendre comme modèle les États-Unis - où le taux de pauvreté est supérieur à celui de la Corée, selon les dernières statistiques de l'OCDE, et où un enfant sur cinq souffre de la faim, selon le rapport le plus récent de l'US Department of Agriculture (USDA).

La Corée devrait prendre comme point de référence de plus petits pays européens qui pratiquent véritablement une politique de protection sociale juste. Mais tel que c'est en ce moment, les bébés envoyés à l'adoption internationale n'auront même pas les plus élémentaires protections de la cour. Faut-il s'étonner que la Corée ait envoyé tant d'enfants lorsque les adoptions internationales peuvent être accélérées si facilement?

La Corée doit créer des lois justes si elle est pour se hisser aux normes et éthiques internationales pour l'adoption et effacer sa "stigmate" de "pays exportateur d'orphelins".

La Corée doit finalement aller au-delà de sa honte et de sa culpabilité au sujet du programme d'adoption internationale et formuler proactivement des lois qui préservent les familles et cesser de viser les mères célibataires quand elles sont à leur moment le plus vulnérable.

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