Publié le 10 mars 2005, sur Courrier International.
Plusieurs enfants népalais auraient été adoptés illégalement par des familles espagnoles. Leurs parents, dont certains cherchent aujourd'hui à les récupérer, auraient été manipulés, dénonce le quotidien madrilène El País.
A la mort de son mari, Nirmala Thapa, une Népalaise de 35 ans, a dû confier ses trois plus jeunes enfants à un centre pour mineurs qui lui proposait de s'en occuper et de les élever pendant qu'elle réglerait ses problèmes financiers. Mais, lorsqu'elle a voulu les récupérer, elle a découvert qu'ils avaient été donnés en adoption à une famille espagnole. Il s'agit de l'un des cas enregistrés par CWIN, une ONG népalaise pour la protection de l'enfant.
"Elle cherche à récupérer sa progéniture depuis déjà trois ans, mais ce n'est pas facile : elle a en effet signé une lettre dans laquelle elle consent à abandonner son autorité parentale. Mais elle a été trompée : elle ne sait pas lire", raconte Madhav Pradhan, le directeur de CWIN. Cette ONG a aidé Thapa à dénoncer cet abus devant le gouvernement du district de Katmandou. L'organisation a également apporté son soutien à cinq autres familles népalaises qui réclament sept enfants adoptés par des familles espagnoles. Selon Madhav Pradhan, "la majorité des adoptions internationales au Népal sont irrégulières".
Selon une étude réalisée l'an dernier par l'UNICEF et l'ONG suisse Terre des hommes (TDH), le manque de contrôle a favorisé la vente, l'enlèvement et le trafic d'enfants, ainsi que le développement d'une industrie "fondée sur l'attrait du gain plutôt que sur le bien-être des mineurs". Les parents adoptifs paient jusqu'à 25 000 dollars (environ 20 000 euros) par enfant. Le directeur d'un centre reconnaît que beaucoup profitent de la situation "des gens pauvres des campagnes en leur conseillant d'amener leurs enfants dans un pensionnat de Katmandou, pour finalement les donner en adoption à des étrangers". Selon le rapport, sept parents sur neuf ont signé la lettre de consentement sans en comprendre le contenu.
UNICEF et TDH ne précisent pas quel pourcentage des enfants ramenés en Espagne ont été adoptés de cette façon, mais les organisations soulignent que les irrégularités sont monnaie courante. Jusqu'à 80 % des enfants auraient pu rester au Népal "et être recueillis par des membres de leur famille", affirme le délégué de TDH [pour le Népal], Joseph L. Aguettant.
C'est en Espagne qu'ont été adoptés le plus d'enfants népalais depuis l'an 2000 (681 sur 2 314). Cent soixante-dix d'entre eux sont arrivés l'an dernier. Des sources de l'ambassade d'Espagne à New Delhi affirment que le rôle des fonctionnaires se limitait à délivrer des passeports aux enfants pour lesquels tous les papiers étaient en ordre.
Les Espagnols interrogés par El País ont de leur côté déclaré connaître l'existence des parents biologiques des enfants qu'ils ont adoptés. Ils croient cependant que certaines familles népalaises sont si pauvres qu'elles sont prêtes à abandonner leur enfant pour lui offrir une vie meilleure à l'étranger. Les témoignages des parents espagnols coïncident tous sur la rectitude de la procédure.
Mais les défenseurs des droits des enfants ont pour leur part une vue très différente du bonheur des enfants. "C'est très condescendant de penser qu'on peut offrir un meilleur avenir à ces enfants simplement parce que nous sommes plus riches. Les enfants seront toujours mieux avec leur famille ou dans leur propre pays. Nous ne sommes pas contre l'adoption internationale, mais nous croyons qu'elle ne doit être employée qu'en dernier recours", souligne le délégué de TDH. La représentante de l'UNICEF au Népal, Joanne Doucet, est également de cet avis. "Nous devons promouvoir l'adoption au niveau national", estime-t-elle. Seuls 4 % des enfants sont adoptés par des familles locales. Pendant ce temps, quelque 15 000 enfants vivent dans les centres infantiles et les orphelinats du Népal. Nombreux sont ceux dont les parents sont toujours en vie et qui sont arrivés là frauduleusement ou sous la contrainte. Les irrégularités se sont multipliées à partir de 2000, lorsqu'un gros orphelinat a perdu le monopole [de l'adoption internationale] et que ses employés "ont créé leurs propres centres de mineurs dans l'espoir de faire des affaires", raconte le responsable de TDH. Les enfants y vivent dans de très mauvaises conditions.
Quant aux mineurs népalais qui vivent en Espagne et qui "ne sont pas orphelins au sens strict du terme", les experts estiment qu'il y a peu de chances qu'ils retournent dans leur pays. "Il est trop tard maintenant. A partir du moment où l'adoption est déclarée, ils sont considérés comme des citoyens espagnols", déplore le délégué de TDH.
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