12 oct. 2009

Une coincidence aussi étonnante que merveilleuse

Au tout début de mon adoption, je ne cessais de penser à mes amies/compagnes de l'orphelinat que j'avais quittées. Comme je ne comprenais pas la signification de l'adoption, je pensais à elles comme si j'allais les revoir bientôt après avoir expérimenté la vie inimaginable qui m'était offerte aux États-Unis. Je m'imaginais de retour à l'orphelinat, racontant mon merveilleux séjour avec les miguk saram (Américains) dans le pays des contes de fée appelé miguk (États-Unis), et faisant des jalouses autour de moi; je planifiais de leur apporter des jouets qu'elles n'avaient jamais vues de leur vie.

Ce séjour merveilleux qui m'était offert, je m'en suis tannée après quelques semaines. Ne pas comprendre la langue n'a été qu'un élément déclencheur qui, pour prendre l'expression de ma mère qui aimait tant raconter à propos de ce temps, m'a fait "faire une crise". J'avais donc décidé de retourner en Corée, en ne prenant que ce qui m'appartenait (c'est-à-dire avec ce que j'avais apporté de la Corée). Il faisait noir, mais je suis sortie en pleurant et criant très fort. Au bout de la rue, j'ai réalisé que je ne savais pas comment retourner dans mon pays, le pays que j'aimais tellement et où il y avait ma famille et mes amies.

Même après ce soir-là, j'ai continué à penser à mes amies de l'orphelinat comme si j'allais les revoir bientôt.

Le jour, je parlais, je m'amusais, je riais,... tout pour faire le bonheur d'une nouvelle maman; mais en réalité, je ne faisais que survivre en faisant semblant. Je faisais semblant que tout ce que je voyais n'était qu'un merveilleux rêve, et je me réveillerais bientôt à l'orphelinat; je leur raconterais alors mon merveilleux rêve des États-Unis et toutes mes amies m'écouteraient en silence...

Le soir, je m'étendais sur le plancher de ma chambre, avec mes yeux remplis de larmes, priant ma défunte grand-mère de me ramener en Corée; je lui demandais de me pardonner d'avoir été méchante envers elle juste avant sa mort, je lui disais que j'avais été assez punie. Je me demandais sans cesse comment/pourquoi on n'avait pas réussi à retrouver la maison de ma soeur aînée. Au cours des années suivantes, je me suis trouvée de multiples fautes commises dans l'enfant qui expliqueraient les raisons d'une telle punition (abandon et adoption).

J'ai commencé à comprendre très graduellement la permanence de l'adoption et je ne sais plus exactement à quel moment, j'ai accepté mon sort.

J'ai toujours continué à penser à mes anciennes amies/compagnes de l'orpehelinat, espérant qu'elles étaient heureuses, et qu'elles n'avaient connu aucun problème de racisme dans leur vie adoptive. Éventuellement, j'ai commencé à imaginer que nous nous retrouvions pour parler de notre vie commune à l'orphelinat et de nos vies respectives dans nos familles adoptives.

En 1989 et 2001, j'ai demandé directement à soeur Yuk, du couvent de Saint-Paul, qui était alors religieuse de l'orpheliant Saint-Paul de me donner des nouvelles des autres filles qui avaient vécues avec moi. J'étais la seule à avoir gardé contact.

Il y a environ un an, j'ai réitéré ma demande par lettre. Pas de réponse (immédiate).

Puis arrive une lettre pour Pâques (elle m'écrit depuis 2001, à chaque fête religieuse).

Il y a deux noms: Nakmin Oddie et Dvnie (ou Dunie) Lecomte, avec leurs adresses respectives. La première est en Californie et la seconde à Paris.

Je n'ai oublié aucune des filles de mon groupe à l'orphelinat, je me rappelle même de certaines dans les deux groups des plus jeunes. Sur le dos des photos que je possède, j'avais écrit les noms des filles juste quand je commençais à oublier le Coréen.

Song Nakmin, c'est un nom que je reconnais, mais je ne peux l'associer à une fille en particulier. Elle se trouve peut-être sur une photo que mon amie m'a enlevée en échange de la sienne parce qu'elle voulait que nous gardions un souvenir l'une de l'autre; j'avais toujours regretté cette échange car plusieurs de mes amies se trouvaient sur la photo que je n'ai plus.

I Eun-hee, je la reconnais, elle se trouve sur deux de mes photos; mais nous n'étions pas proches du tout.

Je crie, je saute, je pleure de joie pendant une heure. Je n'en reviens pas de ma chance inouïe de pouvoir renouer avec des compagnes du passé, de la Corée.

Je tape les adresses de Nakmin et de Dunie sur l'internet; avec Google, je peux voir les rues où elles habitent. Je tape leurs noms, Nakmin Oddie se trouve sur l'internet, mais pas Dunie Lecomte.

Pendant une semaine, je pense à ce que je leur écrirais. La peur m'empêche d'écrire.

Et si elles ne se souviennent pas de moi? et si elles ne veulent pas entendre parler du passé (appartenant à la Corée)? Si elles ne veulent rien savoir des Asiatiques, comme cela a été le cas pour moi par moment?...

Des semaines et des mois passent. Je continue de temps en temps à penser à leur écrire.

Les deux dernières semaines, je me parle à moi-même: "tu dois leur écrire absolument."

Si elles rejettent tout de la Corée? Si elles me rejettent?... Seigneur, donne-moi une bonne raison d'écrire


Hier, m'est parvenu un email de K@W avec un article paru dans JoongAngDaily qui a été affiché la veille.


The film is based on the true story of Korean-French director Ounie
Lecomte, who was born in Seoul, Korea, in 1966 and was adopted by a
French family when she was 9...


Je l'ai revu à plusieurs reprises avec incrédulité. Je me dis: c'était donc Ounie, et non Dunie.


J'ai finalement écrit la lettre qui n'a besoin que d'un timbre pour pouvoir être postée. Ounie est sûrement en Corée en ce moment, mais je la lui enverrais aussitôt que je le pourrais cette semaine.


J'ai écrit à propos du film d'Ounie Lecomte aujourd'hui (ou plutôt hier puisqu'il est presque 4hoo du matin).


Quant à Nakmin Oddie, je vais lui envoyer un email demain. Lorsque j'ai partagé à propos de cette étonnante et merveilleuse coïncidence, un membre de K@W qui connaissait Nakmin dans une association locale pour les adoptés coréens, m'a envoyé son adresse email.

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