Synopsys
Séoul, 1975. Jin-hee a 9 ans. Son père la place dans un orphelinat tenu par des Soeurs catholiques. Commence alors l'épreuve de la séparation et la longue attente d'une nouvelle famille. Au fil des saisons, les départs des enfants adoptées laissent entrevoir une part du rêve, mais brisent aussi les amitiés à peine nées. Jin-hee résiste, car elle sait que la promesse d'une vie toute neuve la séparera à jamais de ceux qu'elle aime.
Réalisatrice
Ounie Lecompte, née en Corée du Sud en 1966, et adoptée à l'âge de 9 ans par une famille française protestante dont le père est pasteur. Diplômée de stylisme, elle travaille sur différents films : comme comédienne avec Olivier Assayas (Paris s’éveille) ou costumière, notamment avec Sophie Fillières. En 1991, elle retourne en Corée pour jouer le rôle d'une fille abandonnée venant chercher ses racines. Le film en question, Seoul Metropolis, de Seo Myung-Soo, ne voit pas le jour, mais il lui permet de renouer avec son pays d'origine. En 2006, elle intègre l’Atelier Scénario de la Fémis où elle débute l’écriture de Une vie toute neuve.
Une orpheline lutte pour surmonter l'abandon
Le matin de Jin-hee débute sur un vélo, les bras enroulés autour de la taille de son père alors qu'il parcourt les rues. Elle apprécie la randonnée et la chaleur de son dos, comme elle s'appuie sur lui.
C'est un grand jour. Son père lui a acheté de nouveaux vêtements, qu'elle porte maintenant. Il lui a également acheté un grand gâteau, bien que ce ne soit pas son anniversaire. Elle est si heureuse que, pendant le déjeuner dans un restaurant, elle chante une petite chanson pour son père.
La journée, cependant, prend un virage brusque. Son père la dépose dans un orphelinat, où elle est laissée avec une douzaine d'enfants qu'elle n'a jamais rencontrés. C'est le début d'une vie tout neuve pour elle, celle qu'elle tente désespérément d'échapper jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'il n'y a nulle part où aller pour elle et que son père ne reviendra pas.
Elle apprend rapidement que la vie à l'orphelinat est pleine de séparation et de tristesse, que les autres enfants sont adoptées et quittent sa vie, une par une. Sa meilleure amie Sook-hee (Park Do-yeon) se retrouvent dans les bras d'une famille américaine et est emmenée vers une terre où elle peut apparemment manger des gâteaux tous les jours. Bien que Jin-hee abandonne éventuellement l'idée de rentrer chez elle, elle ne peut débarrasser du souvenir de cette balade en vélo et la chaleur du dos de son père.
Le film français-coréen, Une vie toute neuve, qui sera projeté au PIFF dans la catégorie cinéma du monde, raconte une histoire déchirante à propos du combat pour surmonter la douleur de la séparation et l'acceptation du sort. Le film illustre à merveille le processus par lequel Jin-hee (Kim Sae-ron) traverse alors qu'elle se rend compte peu à peu de son sort et apprend alors à embrasser la vie en tant qu'adoptée. Chaque moment est lacrymogènes saccadés, mais en même temps, il vous donne l'espoir que l'on peut trouver une voie nouvelle.
Le film est basé sur la vraie histoire de la réalisatrice coréenne-française Ounie Lecomte, qui est née à Séoul, en Corée, en 1966 et a été adopté par une famille française, quand elle avait 9 ans. Elle a passé une année à l'orphelinat Saint-Paul, dirigée par des religieuses catholiques, à Séoul. C'est la première production conjointe française-coréenne et est le premier film de Lecomte. Il a été co-produit par le célèbre réalisateur Lee Chang-dong et a été filmé près de Séoul. Il a été présenté pour la première fois au Festival International du Film à Cannes en mai.
Lecomte a déclaré dans une interview au festival de Cannes qu'elle a tenté de dépeindre les émotions d'une petite fille face à des circonstances extraordinaires - l'abandon et adoption - plutôt que de simplement répliquer son enfance. «L'année à l'orphelinat est le temps et le lieu d'un intervalle entre deux vies: une vie dans laquelle elle n'avait pas à apprendre à lâcher prise, puis une vie où elle apprendra à désirer», dit Lecomte.
Le film sera projeté à 19h30 le 9 octobre et à 11 heures, le 11 octobre au Lotte Cinema au complexe City Centum à Busan. Il sera également publié à l'échelle nationale le 29 octobre.
Une vie toute neuve
Du site JoonAngDaily, 9 octobre 2009.
Mis à jour fait le 29 octobre 2009:
Le film Une vie toute neuve de la réalisatrice coréenne-française Ounie Lecomte a été honoré à Tokyo Film Fest qui s'est terminé le 22 oct. Le film le prix du jury au festival du Cinekid à Amsterdam qui s'est acheté la semaine dernière.
Sources: Chosun Ilbo et KBS World
Mis à jour:, ajouté le 11 janvier 2010.
Ounie Lecomte : à Corée à cri (libération.fr, 6 janvier 2010)
Nous sommes à Séoul en 1975. Jinhee, 9 ans, est laissée par son père dans un orphelinat de filles tenu par des bonnes sœurs. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, refuse de manger, se cache dans la cour, veut partir. Mais pour aller où ? A un moment donné, une des responsables, exaspérée par son mauvais comportement, lui ouvre le portail et lui dit qu’elle est libre. Evidemment, Jinhee reste dans cet endroit qu’elle déteste, loin des siens, de ceux qu’elle aimait et en qui elle avait toute confiance, que pourrait-elle faire d’autre ?
Une vie toute neuve nous met en contact avec les sensations subtiles de l’enfance désemparée et avec la peur universelle de l’abandon. Ounie Lecomte, qui réalise ici son premier long métrage, puise dans son propre parcours, même si le film ne raconte pas véritablement son histoire, qu’elle a écrit et réécrit plusieurs versions du scénario pour parvenir au cœur vivant d’une émotion qui était comme bloquée dans un passé indicible.
Ounie Lecomte a 8 ans, en effet, quand sa grand-mère et un oncle prennent le bus avec elle vers une destination inconnue : «Je me souviens d’une certaine excitation, il allait se passer quelque chose d’extraordinaire. Je faisais mille caprices en chemin pour manger des gâteaux. Je ne me souviens pas du moment où on m’a laissée à l’orphelinat, tout s’est effacé. Plus tard, j’ai ressenti un sentiment de révolte : ils avaient cédé à tous mes caprices parce qu’ils savaient ce qui m’attendait, comme on obéit aux dernières volontés d’un prisonnier avant l’échafaud.»
Elle n’est pas orpheline quand on l’abandonne, ses parents se sont simplement séparés, «le divorce avait et a encore aujourd’hui en Corée une image très négative, avec une forte stigmatisation sociale». Pour repartir du bon pied, il fallait aux adultes se défaire des fruits de leur première union. Il faut dire qu’au lendemain de la guerre de Corée (1950-1953), le gouvernement sud-coréen a encouragé sinon l’abandon, du moins l’adoption d’enfants par des couples étrangers, principalement occidentaux. Une industrie de l’adoption s’est ainsi mise en place avec le service de placement des enfants sous la tutelle du ministère de la Santé et des Affaires sociales, et avec le soutien logistique d’organisations religieuses ou philanthropiques. Comme l’explique Ounie Lecomte, ce croisement entre la honte de l’abandon et la publicité de l’adoption produisait un sentiment de culpabilité insoutenable : «On était laissé dans un non-dit complet, une absence féroce d’information. D’un autre côté, vous ne pouviez vous plaindre, on vous offrait la chance d’un avenir meilleur en Occident. Pour l’enfant que j’étais, et pour mes camarades sans aucun doute, il y avait une culpabilité absolue à se sentir malheureux, on ne trouvait plus aucune justification à notre douleur, elle n’avait plus de raison d’être et ne devait donc tout simplement pas s’exprimer.» Plus de 160 000 enfants ont été envoyés ainsi à l’étranger entre 1953 et 2006 ; pendant plus de trente années, jusqu’au milieu des années 90, la Corée du Sud a été le pays au monde dont étaient originaires le plus grand nombre d’enfants adoptés légalement par des couples étrangers.
Ounie Lecomte arrive en France vers l’âge de 10 ans, elle est adoptée par un pasteur protestant et sa famille s’occupant du temple de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) : «A l’arrivée en France, j’ai dormi deux jours d’affilée, une sorte de coma total, une petite mort. Quand je me suis réveillé, j’étais à nouveau plongée dans l’inconnu. Comme nous étions au mois de juin, mes parents, pour m’acclimater, m’ont mis à l’école maternelle. J’étais au milieu d’enfants de 3 ans, ne comprenant rien à ce qui se disait autour de moi, à peine si on n’allait pas me mettre sur le pot (rires). C’était ridicule.»
parkas.Une vie toute neuve s’arrête précisément à l’aéroport, au moment du départ pour la France. Le tournage du film n’a pas été simple, notamment parce que la jeune femme a perdu l’usage de la langue coréenne. Elle a essayé de la récupérer, mais n’y parvient pas. Il a fallu tout le temps communiquer dans un anglais «approximatif». Quinze jours avant le tournage, elle n’a toujours pas trouvé la fille qui doit tenir le rôle principal : «J’avais toujours l’impression de repousser le moment du choix jusqu’à ce que ça s’impose à moi. J’ai vu Kim Saeron, en regardant sur écran vidéo des essais tournés par le premier assistant-réalisateur. Elle avait un visage opaque qui me plaisait, elle ne se livrait pas totalement, et on pouvait projeter beaucoup de chose.» Les enfants n’avaient pas lu le scénario, ils découvraient le film au gré du plan de travail, il fallait souvent simplifier, parfois tricher, «on communiquait par des choses physiques, concrètes, mécaniques, jamais par la psychologie. Mes propres handicaps et la maîtrise relative des enfants sur leur rôle étaient plutôt très propices à restituer ce parcours d’une enfant qui vit comme avec des ornières, qui ne sait plus qui elle est, ni ce qu’elle va devenir».
En se choisissant l’inconfort d’un tournage en langue étrangère dans un pays lointain, Ounie Lecomte recrée en un sens les conditions de son trauma fondamental, quand le destin l’a submergée et emportée loin de chez elle : «L’histoire m’a entraînée avec son énergie propre sans que je me pose véritablement laquestion du pourquoi. Le tournage a été une mise à l’épreuve parce que tout va vite. J’avais l’impression, en arrivant le matin sur le plateau, d’être un soldat qui monte au front et doit combattre sans souffler toute la journée. J’étais vidée, épuisée et en même temps, il y avait aussi quelque chose de désagréable dans ce que nous imposions aux fillettes. C’était l’hiver, et si l’équipe pouvait porter deux parkas, elles devaient rester en pull dans le froid.»
Le film porte aussi la marque du producteur coréen (et surtout cinéaste) Lee Chang-dong (Oasis, Secret Sunshine…), avec qui Ounie Lecomte a longuement correspondu par mail afin de déployer dans toutes ses puissances d’incarnation un scénario qu’il jugeait dans un premier temps trop timide. Ainsi le film n’est-il pas impressionniste, il fait surgir des événements qui vous sautent à la gorge, comme ce moment où Jinhee arrache les membres des poupées distribuées à Noël ou quand elle creuse un trou dans le sol pour essayer de s’y enterrer vivante. La facture du film est classique mais au meilleur sens du terme : précis et explicite, plus grave que véritablement triste. Même si à la fin de la projection, il fallait évacuer certains spectateurs pris de transe de sanglots.
«baiser». «Jamais je ne me suis spécialement intéressée au cinéma, dit aujourd’hui Ounie Lecomte, c’est venu un peu par hasard. A la télé, j’ai rarement vu des films mais ils m’ont marqué. Ça s’est toujours fait par interdiction. Par exemple, un jour, j’ai vu vingt minutes de Pas de printemps pour Marnie de Hitchcock sans savoir ce que c’était. Au moment du premier baiser entre Sean Connery et Tippi Hedren, mes parents se sont affolés et m’ont précipitamment envoyée au lit. Ce bout de film m’a hanté pendant des années. Je n’en connaissais pas le titre, et je ne l’ai vu en entier que beaucoup plus tard.» Lors d’un séjour en 1991 à Séoul, où elle attend pour jouer dans un film qui finalement ne se fera pas (elle avait été remarquée dans Paris s’éveille d’Olivier Assayas), ses parents biologiques la retrouve : «Ce fut quelque chose de très violent, et je n’ai pas du tout répondu à ces retrouvailles. Je me suis échappée. Je suis retournée en Corée plusieurs fois pour y renouer des liens moins passionnés et moins névrosés aussi, sans doute.»
Il y a quelque de chose de très beau dans le film, du fait même qu’il traduit ce qu’aucune langue ne pouvait dire. Ounie Lecomte a perdu l’usage du coréen, mais si elle a voulu passionnément apprendre le français dès son arrivée, elle continue d’entretenir avec cette langue d’adoption (et avec sa littérature) un rapport de fascination et de terreur : «J’ai toujours l’impression que cette langue m’échappe. Quand j’écrivais le scénario, je pouvais me reprendre des dizaines de fois en vérifiant chaque mot dans le dictionnaire de peur de me tromper, comme si je n’étais pas sûr du sens des signes que j’utilisais.» Sentiment d’(in)appartenance inquiète, effacement et reconstruction du souvenir en forme de légende personnelle, voilà qui de surcroît apporte une eau salubre au moulin déglingué du débat sur l’identité nationale, postulant que nous vivons tout peu ou prou dans l’exil d’une mémoire mutilée.
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