Publié sur le site La Croix , le 27 septembre 2008.
Les passe-droits et l’opacité perdurent autour des procédures d’adoption internationale, même après les révélations de plusieurs scandales
Nus, assis sur un chemin caillouteux, des gamins hauts comme trois pommes regardent passer les motos. Derrière eux, leurs aînés s’affrontent dans une bruyante partie de volley-ball. Dans cet orphelinat de la banlieue de Phnom Penh, la capitale cambodgienne, vivent 75 enfants, âgés de 2 à 17 ans.
Certains sont orphelins, mais la plupart ont encore leurs deux parents en vie. Ils ont été abandonnés. L’an dernier, deux enfants de moins de 8 ans de cette structure ont été adoptés.
"Les Français leur ont donné de l'argent"
« Des Français sont venus à l’orphelinat et ils ont choisi un garçon et une fille. Les autorités françaises étaient au courant. Puis, les Français sont allés voir les parents cambodgiens dans leur village d’origine pour savoir s’ils étaient d’accord. Les parents, paysans, sont très pauvres. Les Français leur ont donné de l’argent », explique un des responsables de l’orphelinat sous le couvert de l’anonymat. Combien ont-ils payé pour obtenir ces enfants? « C’est privé. »
En 2003, toutes les adoptions ont été suspendues entre la France et le Cambodge. Les trafics les plus sordides avaient poussé les autorités à la prudence. Des enfants étaient achetés. La demande alimentait les abandons. Un vaste marché, entretenu par la corruption, enrichissait des fonctionnaires cambodgiens véreux.
La France espère prévenir les abus
En 2007, la France a rouvert les procédures en assurant désormais encadrer mieux le système, pour prévenir les abus. Désormais, les adoptants français doivent impérativement s’adresser à deux organismes pour trouver un enfant cambodgien : l’Agence française de l’adoption (AFA), ou les Amis des enfants du monde (AEM). Ils ne sont plus autorisés à entreprendre les démarches par eux-mêmes, d’orphelinat en orphelinat.
Comment, alors, expliquer que deux couples aient pu, l’an dernier, adopter en se rendant directement dans cet orphelinat de la banlieue de Phnom Penh ? « Il y a des passe-droits, des appuis, des pressions », témoigne une responsable d’un organisme d’adoption français. « Le gouvernement français a très envie qu’il y ait beaucoup d’adoptions. L’AFA a énormément de dossiers. » Visiblement, les restrictions appliquées par la France en 2007 n’ont pas suffi…
"Aucune réelle action des autorités cambodgiennes"
Les autres pays ayant également suspendu les procédures avec le Cambodge refusent de les reprendre, considérant que rien n’a changé. « Nous ne voyons aucune réelle action de la part des autorités cambodgiennes pour réformer le système et punir les auteurs de trafics », analyse Jason Barber, consultant pour l’ONG cambodgienne de défense des droits de l’homme Licadho. De fait, aucun intermédiaire n’a été arrêté, ni jugé, sur le territoire cambodgien.
Dans ces conditions, comment être sûr que les enfants actuellement adoptés légalement au Cambodge, et dont les dossiers transitent par l’AFA ou l’AEM, ne sont pas issus de trafics ? « Nous n’avons pas vraiment de prise sur cette question », reconnaît, désolée, la responsable de l’organisme d’adoption. Le volontaire français qui sera nommé au Cambodge le mois prochain (lire l’encadré) aura donc fort à faire. En attendant, l’ambassade de France à Phnom Penh a refusé de s’exprimer sur sa future mission ainsi que sur les adoptions en cours dans ce pays.
Jérôme BORUSZEWSKI, correspondant à Phnom Penh
Les passe-droits et l’opacité perdurent autour des procédures d’adoption internationale, même après les révélations de plusieurs scandales
Nus, assis sur un chemin caillouteux, des gamins hauts comme trois pommes regardent passer les motos. Derrière eux, leurs aînés s’affrontent dans une bruyante partie de volley-ball. Dans cet orphelinat de la banlieue de Phnom Penh, la capitale cambodgienne, vivent 75 enfants, âgés de 2 à 17 ans.
Certains sont orphelins, mais la plupart ont encore leurs deux parents en vie. Ils ont été abandonnés. L’an dernier, deux enfants de moins de 8 ans de cette structure ont été adoptés.
"Les Français leur ont donné de l'argent"
« Des Français sont venus à l’orphelinat et ils ont choisi un garçon et une fille. Les autorités françaises étaient au courant. Puis, les Français sont allés voir les parents cambodgiens dans leur village d’origine pour savoir s’ils étaient d’accord. Les parents, paysans, sont très pauvres. Les Français leur ont donné de l’argent », explique un des responsables de l’orphelinat sous le couvert de l’anonymat. Combien ont-ils payé pour obtenir ces enfants? « C’est privé. »
En 2003, toutes les adoptions ont été suspendues entre la France et le Cambodge. Les trafics les plus sordides avaient poussé les autorités à la prudence. Des enfants étaient achetés. La demande alimentait les abandons. Un vaste marché, entretenu par la corruption, enrichissait des fonctionnaires cambodgiens véreux.
La France espère prévenir les abus
En 2007, la France a rouvert les procédures en assurant désormais encadrer mieux le système, pour prévenir les abus. Désormais, les adoptants français doivent impérativement s’adresser à deux organismes pour trouver un enfant cambodgien : l’Agence française de l’adoption (AFA), ou les Amis des enfants du monde (AEM). Ils ne sont plus autorisés à entreprendre les démarches par eux-mêmes, d’orphelinat en orphelinat.
Comment, alors, expliquer que deux couples aient pu, l’an dernier, adopter en se rendant directement dans cet orphelinat de la banlieue de Phnom Penh ? « Il y a des passe-droits, des appuis, des pressions », témoigne une responsable d’un organisme d’adoption français. « Le gouvernement français a très envie qu’il y ait beaucoup d’adoptions. L’AFA a énormément de dossiers. » Visiblement, les restrictions appliquées par la France en 2007 n’ont pas suffi…
"Aucune réelle action des autorités cambodgiennes"
Les autres pays ayant également suspendu les procédures avec le Cambodge refusent de les reprendre, considérant que rien n’a changé. « Nous ne voyons aucune réelle action de la part des autorités cambodgiennes pour réformer le système et punir les auteurs de trafics », analyse Jason Barber, consultant pour l’ONG cambodgienne de défense des droits de l’homme Licadho. De fait, aucun intermédiaire n’a été arrêté, ni jugé, sur le territoire cambodgien.
Dans ces conditions, comment être sûr que les enfants actuellement adoptés légalement au Cambodge, et dont les dossiers transitent par l’AFA ou l’AEM, ne sont pas issus de trafics ? « Nous n’avons pas vraiment de prise sur cette question », reconnaît, désolée, la responsable de l’organisme d’adoption. Le volontaire français qui sera nommé au Cambodge le mois prochain (lire l’encadré) aura donc fort à faire. En attendant, l’ambassade de France à Phnom Penh a refusé de s’exprimer sur sa future mission ainsi que sur les adoptions en cours dans ce pays.
Jérôme BORUSZEWSKI, correspondant à Phnom Penh
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